L'édit de Nantes, religion et politique

Un spécialiste du protestantisme

 

Bernard Cottret s’est imposé depuis longtemps comme un des meilleurs historiens des temps modernes, spécialisé dans l’histoire de la Réforme et aussi dans les croisements idéologiques entre les îles britanniques et le Royaume de France. Après de nombreux ouvrages consacrés au tumultueux XVIième siècle et à ses répercussions sur les Huguenots, Bernard Cottret proposa en 1997 une synthèse sur le fameux édit de Nantes promulgué par Henri IV en 1598 et qui donna une fin (provisoire ?) aux guerres de religion. Les éditions Perrin la rééditent ici en poche dans la collection Tempus

 

Une remise en contexte salutaire

 

Cottret commence par nous donner un récit des guerres de religion du 16ième siècle, ponctuée par de nombreux édits de tolérance, tous infructueux, sous les règnes de Charles IX et d’Henri III. Il rappelle à juste titre que ces guerres furent aussi des soulèvements de grands féodaux (Condé, Coligny, Henri de Navarre) face à une monarchie qui avait fait la paix avec l’Espagne de Philippe II. Pourquoi Henri IV a-t-il réussi en 1598 ? D’abord parce qu’il était ancien huguenot lui-même, donc encore légitime à leurs yeux malgré son abjuration. Ensuite parce qu’il eut l’habileté de le faire enregistrer par chaque parlement provincial, y compris dans la Navarre protestante. Enfin, parce qu’il était un « politique », héritier de Michel de l’Hospital, et qu’il plaçait l’Etat au-dessus du religieux, même si la légitimité royale gardait son aura sacramentelle.

 

Aux origines de notre société

 

L’édit de Nantes installa une situation inédite en Europe, celle de la cohabitation de deux confessions rivales sur un même territoire, avec cependant une nette prééminence pour le catholicisme. Les protestants vécurent durant presque un siècle comme un ordre d’ancien régime, avec ses privilèges, peu à peu étouffé par un État royal qui ne perdait pas de vue leur conversion. La révocation de l’édit en 1685 sauva paradoxalement les protestants français en ranimant leur foi et leur zèle, entre Désert et Refuge. Les persécutions, sans commune mesure avec celles du XVIième siècle, fournirent aussi une occasion aux philosophes du siècle des lumières de réfléchir sur les conséquences du fanatisme catholique… Voici ici un bien bel ouvrage qu’on ne peut que recommander et qui permet de comprendre les origines d’un protestantisme français dont Michel Rocard fut récemment un des représentants les plus accomplis.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Bernard Cottret, L’édit de Nantes, Perrin collection Tempus, octobre 2016, 864 pages, 12,50 €

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1 commentaire

"la révocation fut une belle occasion pour les philosophes du siècle des lumières de réfléchir sur les conséquences du fanatisme catholique…"   certes, certes, un mal pour un bien, en somme...Dommage qu'aveuglés par leur propre intolérance et leur haine de l'Eglise, il n'aient pas réfléchi également sur le fanatisme protestant de l'époque , qui valait bien celui des cathos. Leur analyse  philosophique y aurait été encore plus pertinente.

Conséquence directe de cette myopie des intellectuels des lumières -toujours autant d'actualité en 2016, bien que toutes les lumières soient éteintes- , le simple fait d'avoir perdu les guerres de religion  a fait pour l'éternité du Protestant  une pauvre victime innocente de l'intolérance  . encore et toujours la victimisation , qui  a décidément beaucoup d'avantages, dont celui de ne jamais balayer devant sa porte

Et puis, pardon, cher Sylvain, mais comment ne pas être dubitatif  à l'évocation d'un Rocard - le corbeau noir du muppet show - comme figure emblématique du protestantisme actuel : à part la couleur noire du plumage et le côté sinistre et donneur de leçons, on ne voit pas trop en quoi l'action politique de ce type a reflété les théories Luthériennes ou un calvinisme raisonné... explique nous un peu, Sylvain, qu'on rigole....