Joinovici, L’empire souterrain du chiffonnier milliardaire

Si vous aimez les ordures admirables, les affairistes sans aucune forme d'humanité ou de respect de son prochain, les traîtres aux multiples revirement, qui n'ont que pour unique loi celle de l'appât du gain, alors Joseph Joinovici est votre homme ! 

Il faut être sacrément roué et astucieux pour devenir milliardaire et influent dans la période politique troublée de l'Occupation en commençant comme misérable chiffonnier à Saint-Ouen, dans les bidon-villes des porte de Paris. Il faut reconnaître ce talent, parmi d'autres, à Joseph Joinovici (1902-1965) d'avoir voulu s'extraire de sa misère et d'avoir atteint les sommets, quelles que soient les conditions de cette fulgurante ascension. Employé, il manipule son patron pour au final lui voler "légalement" son entreprise et en faire la base tournante d'un grand nombre de trafics. Marié, il répudie sa femme et ses filles qu'il installe bourgeoisement pour avoir une nouvelle épouse plus "conforme" à son rang...  Tout est à l'encan dans la vie de cette homme sans une once de morale. 

La biographie de Henry Sergg porte aussi un regarde pointu sur la période traversée par Joinovici et les autres monstres qui la peuplent, aussi bien la gestapo que les fripiers sans foi ni loi, aussi bien la Cagoule que des salauds qui, à la Libération, ruineront Joinoivci à son retour d'exil, aussi bien Pierre Loutrel dit Pierrot le fou qui fut son garde du corps que Lafont, le patron de l'officine collaborationniste de la sinistre rue Lauriston ... Joinivici sert aussi de catalyseur pour dénoncer les résistants de la dernière heure, lui qui s'acoquina avec le groupe "honneur de la police" à qui il fournit du matériel, afin de s'offrir une virginité après son compagnonnage actif avec l'occupant et ses crimes auprès des juifs (lui-même juif, mais quand on peut s'approprier le bien d'autrui...). Et c'est lui aussi qui livre Lafont et ses complices à la police, ne se privant d'aucune veulerie... 

Joinovici sera finalement condamné pour collaboration en 1949, puis libéré, partira en exil, reviendra, sera de nouveau enfermé puis libéré peu avant sa mort en 1962 pour raison de santé. Il meurt ruiné. 

Il fallait le talent de conteur de Henry Sergg pour faire de cette incroyable histoire vraie mais impossible à admettre comme telle le roman-vrai (comme dirait Sartre) de ce destin incroyable. Quant à admettre que Joinovici n'est qu'un affairiste parmi tant d'autres... 


Loïc Di Stefano

Henry Sergg, Joinovici, L’empire souterrain du chiffonnier milliardaire,  French Pulp.« Les Féroces ». novembre 2016, 18,99 €

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