Patton, un grand soldat et un mythe toujours vivant

Ancien chercheur à la Fondation pour la mémoire de la déportation, Benoît Rondeau, enseignant en histoire-géographie, est un spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, notamment des campagnes d’Afrique du Nord et de Normandie. Entre autres, on lui doit Afrikakorps, L’armée de Rommel (Tallandier, 2013) et d’Invasion ! Le Débarquement vécu par les Allemands (Tallandier, 2014). Il était donc logique qu’il se penche sur le cas de George S. Patton, qui a commandé en Afrique et en Normandie, notamment contre des troupes de Rommel. Patton, c’est un mythe ! On peut donc dire qu’il s’agit là d’un véritable challenge pour un biographe.


La formation du soldat


Patton est issu d’une lignée de militaires (son grand-père fut tué durant la guerre civile dans les rangs sudistes) qui a quitté la Virginie pour la Californie. Il se montre un élève peu doué pour l’étude avant d’entrer à West Point. Là, il se découvre une vocation pour l’art militaire et devient un officier brillant, qui s'illustre dans une expédition au Mexique et bénéficie de l’entregent de la famille. Initialement affecté dans la cavalerie, il découvre les chars durant la première guerre mondiale lors de son arrivée en France et s’enthousiasme pour ce nouveau véhicule qui contribue à réintroduire la guerre de mouvement. Patton combat en 1918 mais n’a que peu d’occasions de s’illustrer. Son retour aux États-Unis le laisse abattu. Il poursuit sa carrière, élève ses enfants, lit énormément et écrit des articles sur l’art militaire. La seconde guerre mondiale constitue une divine surprise : il se fait alors le prophète du renforcement des forces blindées américaines.


L’entraîneur d’hommes


Il commence par entraîner des régiments lors de l’hiver 1941-42 puis participe au débarquement en Afrique du nord en novembre 1942. Patton n’a que peu d’occasions de s’illustrer lors de la campagne de Tunisie et le reproche aux anglais (qu’il déteste). Il reprend en main les troupes américaines après la défaite de Kasserine contre l’Afrika Korps, rétablit la discipline et entraine ses hommes. Sa recette est payante, ses troupes repoussent les allemands à Gafsa. Lors de la campagne de Sicile, il prend Palerme tandis que Montgomery est tenu en échec devant Messine. Rapide, plein de mordant, tenant de l’attaque à outrance, Patton se révèle comme un des meilleurs généraux américains. L’affaire des gifles (il frappe deux soldats atteint de stress lors de visites aux blessés) manque de mettre fin à sa carrière.


Génial tacticien


Patton est relevé de son commandement et privé de campagne d’Italie. Eisenhower, son ancien ami, le réserve pour la campagne de Normandie et se sert de son prestige pour intoxiquer les allemands avec l’opération Fortitude, qui vise à persuader l’état-major de la Wehrmacht que le vrai débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais. A la tête de la troisième armée, Patton réussit la percée du front lors de l’opération Cobra et c’est le début d’une chevauchée qui le mène jusque dans l’est de la France, où la pénurie de carburant finit par le stopper. Son plus grand titre de gloire sera de mener la contre-attaque sur Bastogne contre Manteuffel, bloquant ainsi l’offensive allemande sur les Ardennes. Une fois en Allemagne, Patton ne fonce pas sur Berlin, sur ordre d’Eisenhower, et laisse l’armée rouge prendre la capitale du Reich. Ses maladresses politiques (il emploie en Bavière d’anciens nazis pour faire fonctionner l’administration) et son hostilité envers les soviétiques (MacArthur ne voulant pas de lui dans le Pacifique, il rêve de partir en guerre contre Staline) lui coutent son commandement. Un stupide accident de voiture le laisse paralysé : il meurt en décembre 1945.


La légende


À la fin de son ouvrage, Benoit Rondeau se penche sur la légende qui s’est formée autour de Patton. Excellent soldat, grand meneur d’hommes, fin tacticien, tel est Patton selon Rondeau. On regrette cependant que l’auteur ne note pas l’indifférence qu’il manifeste envers l’art opératif mis au point par les soviétiques et qui leur a permis de triompher de la Wehrmacht. Très érudit, ayant beaucoup réfléchi, Patton est un cavalier, partisan de l’offensive rapide et spécialiste des chars, mais il est passé à côté de cette révolution intellectuelle. Au fond, il fait du Blitzkrieg, mieux que les allemands.


Reste en tout cas qu’il est devenu un mythe par son charisme et son talent tactique. Enfin, Benoit Rondeau note avec justesse que le film de Franklin J.Schaffner et l’interprétation magistrale et habitée de George C.Scott ont beaucoup aidé à ce que Patton demeure dans les mémoires. Voici en tout cas une excellente biographie qui ravira les amateurs (nombreux) d’histoire militaire.

 

Sylvain Bonnet


Benoit Rondeau, Patton, Tallandier, novembre 2016, 608 pages, 27,90 €

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