Napoléon et de Gaulle, le retour des grands hommes

L’homme de tous les talents

 

Ancien élève de François Furet, directeur d’études à l’EHESS, Patrice Gueniffey s’est imposé dans le champ historiographique français de la Révolution et de l’Empire avec un essai remarquable, La politique de la Terreur (Fayard, 2000) et une étude sur le Dix-huit Brumaire très fouillée (Gallimard, 2008). Avec son Bonaparte, premier volume d’une biographie sur le plus célèbre des grands hommes, il est rentré dans un cercle très restreint des « historiens qui comptent », ceux dont on attend chaque ouvrage avec impatience. Il publie ici un Napoléon et de Gaulle, essai sur les Grands hommes et leur place dans l’Histoire de ce cher et vieux pays…

 

Vies parallèles 

 

Par-delà les différences de contexte et de milieu familial, comparer et confronter la vie et l’œuvre de Charles de Gaulle et de Napoléon Bonaparte, c’est faire face à l’Histoire de France, défaite et contrefaite par les spécialistes de la rue de Grenelle depuis une quarantaine d’années. La France devenue Républicaine, ne cesse en effet de se chercher des grands hommes en cas de péril. Patrice Gueniffey, prenant la suite de François Furet mais aussi Jean Garrigues, a raison de faire remonter notre prédilection collective à l’héritage de la Monarchie et à l’exécution de Louis XVI. Pendant plus de deux siècles, la France s’est cherché une nouvelle tête et ce fut Napoléon qui décrocha le premier la timbale, grâce à ses victoires militaires, un charisme exceptionnel et un sens inné du gouvernement. La réussite de de Gaulle est différente, tenant dans sa capacité d’incarner la légitimité d’un pays défait et tombé dans l’abîme. Que de points communs entre eux cependant : tous les deux écrivent (ou font écrire), disposent d’une grande intelligence et ont su organiser leur vie, voire leur mort dans le moindre détail. Tous les deux commettront de grandes erreurs et peuvent faire preuve de cruauté (Bonaparte à Jaffa, de Gaulle face aux pieds noirs d’Algérie).

 

Nostalgie

 

Patrice Gueniffey est issue d’une France qui n’avait pas peur de son Histoire et où régnait le mythe du « roman national », dont il est assurément nostalgique. Dans un mythe, il y a toujours une part d’invention ou de création. Napoléon puis de Gaulle, tellement critiqués et vilipendés (ça continue d’ailleurs si on pense au lourd pensum de Lionel Jospin, Le mal napoléonien, sic), ont aussi joué un puissant rôle intégrateur pour des générations d’écoliers. Plus : ils incarnent aussi une volonté de se dépasser, de se surpasser en permanence. Ils sont tous les deux inadaptés à notre époque consumériste et uniformisée, sans compter que les successeurs du Général démantèlent son œuvre avec une célérité consternante. Lorsqu’on referme ce livre, la nostalgie étreint le critique qui, il l’avoue, ne peut être impartial : lui aussi a le culte de ces deux personnages (Clemenceau pourrait prétendre à rejoindre ce groupe, Louis XIV aussi). Le livre de Patrice Gueniffey, très bien écrit, est tout simplement magistral. Il ne faut pas passer à côté !

 

 

Sylvain Bonnet

 

Patrice Gueniffey, Napoléon et de Gaulle, Perrin, février 2017, 416 pages, 21,50 €

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