Saint Laurent et moi : une histoire trop intime ?

Il y a l’Histoire, et les petites histoires. Il y a le Grand Œuvre. Et il y a l’homme. Que n’a-t-on déjà écrit sur Céline, déversé des tombereaux d’ordures sur sa tête. Et son œuvre perdure. Jamais aussi lu. Jamais aussi apprécié. Juste retour des choses : c’est l’un des plus grands écrivains du 20e siècle !

Yves Saint Laurent est l’un des tout premiers stylistes du 20e siècle. Si ce n’est le premier. Avec mademoiselle Chanel. Quid du reste ? On serait tenté de balayer d’un revers de main. On s’en fiche ! Si l’on nous entraînait dans l’univers souterrain de la grande maison de couture – comme c’est parfois le cas ici, mais trop rarement – cela aurait de l’intérêt. Apprendre quelques secrets de fabrication. D’inspiration. Comment fonctionne une si grande société tout en conservant son âme.
Mais ouvrir la boîte de Pandore du sordide, quel intérêt ?

Il est de notoriété publique que YSL & Bergé étaient homosexuels. Voire légèrement dépravés. Mais est-ce bien utile de salir ainsi l’image d’un homme ? De passer par le petit manège de Pierre Bergé pour être un salarié à part entière de la rue Marceau. Ce que fit Fabrice Thomas au printemps 1984. Le voilà chauffeur-livreur de YSL Rive Gauche, le jour. Et le soir invité à pratiquer une double fellation avec Bergé. Génial ! Indispensable à notre culture…
Il croise rarement Saint Laurent qui casse beaucoup de voitures, rentrant saoul presque tous les matins de ses virées sordides. En 1986 il grave fumier sur le capot de la Jaguar de Pierre Bergé. La haine entre les deux hommes est au paroxysme. L’image d’Epinal en prend un coup. Les deux hommes n’ont finalement presque jamais vécu ensemble. Rien à voir avec la légende… Comme si nous ne le savions pas déjà…

Pierre Bergé déménage du Ritz au Lutetia. Les parties finies tournent au sadisme pur. Fabrice Thomas est entravé, frappé, humilié. Pendant que YSL se dandine tout de cuir vêtu chez Castel, au Palace, au Boy’s… Sa libido est hors de tout contrôle. Il adorait se faufiler (dans des endroits mal famés) pour s’adonner à sa passion avouée pour le fouet et le fist-fucking le plus trash. Drogues, médicaments surdosés, deux bouteilles de vodka à la suite. YSL est un surhomme. Sans doute mais la vie privée des uns, etc.

Quand les limites naturelles sont un jour atteintes, Bergé ordonne à Thomas de veiller sur Yves. Les collections ne se dessinent pas toutes seules. Et le véritable lien qui unissait les deux hommes est industriel. Monétaire. Une histoire de gros sous, comme souvent d’ailleurs…
Convalescence au château Gabriel, à Bénerville-sur-mer. Ou à la villa Majorelle : ses orgies, ses mineurs, etc.

Frédéric Mitterrand avait ouvert le bal. Sorte de repenti hypocrite dont certains courtisans avaient salué le courage d’oser se montrer ainsi. Drôle d’époque où le vomitif fait vendre. Pour ma part je ne veux retenir d’YSL que le talent. Le génie. L’extraordinaire force créatrice. Et je me contrefiche que Fabrice Thomas ne l’ai jamais vu éjaculé. Ou que son anus pouvait absorber des godemichés de très grande taille. Par contre qu’un éditeur puisse oser publier ça.
Là je m’interroge.

 

Annabelle Hautecontre

 

Fabrice Thomas, Saint Laurent et moi – Une histoire intime, Hugo Doc, octobre 2017, 330 p. – 19,95€

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.