L’art, un marché ?

Surtout. Toujours. Et encore plus de nos jours où l’argent coule à flots. L’art devenu marché. Marché de l’art devenu lessiveuse. Comment corrompre Untel ? Offrez-lui un Soulages. Il le revend. Il ne paie que 5% de taxes. L’affaire est dans le sac. Pourquoi donc croyez-vous que l’ancien Secrétaire général de l’Elysée est empêtré dans une sale affaire ? Mis en examen pour vente de tableaux d’un obscur peintre hollandais. Pour un prix légèrement supérieur à sa vraie valeur. Mais qu’elle est la vraie valeur d’un tableau ? De nos jours ? Celle que la salle de vente imprime sur le compteur au dernier coup de marteau. Mais encore ? Est-ce la valeur réelle ? Pour le fisc, oui. Pour l’histoire de l’art c’est autre chose.
Mais ici, seul le marché nous intéresse…

Entre la vente de Salvator Mundi à près d’un demi-milliard d’euros et le procès d’un milliardaire russe à l’encontre d’un marchand suisse pour escroquerie, il y a bien un malaise. Le Vinci a sans doute été peint par ses assistants. Et de toute manière il ne mérite en rien ce prix… Surtout quand on voit l’état de délabrement des infrastructures en Arabie saoudite qui n’est pas l’Eldorado que l’on veut bien nous vendre. Surtout quand on découvre la marge de près de 100% de certains marchands, comme dans le procès du milliardaire russe…

Il y a donc quelque chose de pourri au royaume de l’art.
Georgina Adam décortique le puzzle. Elle mène une enquête sur toute la planète. Interroge artistes, marchands, avocats. Décortique la machine financière… Une lecture tout aussi grisante que l’affaire Clearstream. D’ailleurs le livre débute par l’inauguration du free-port de Luxembourg. Une anomalie acceptée. Une zone-franc où l’on installe un gros coffre-fort de plusieurs milliers de mètres carrés. Pour stocker des centaines de milliers de bouteilles de vins. Des tableaux. Des sculptures… Tout cela loin des yeux de l’administration fiscale… C’est glaçant. C’est stressant. C’est énervant. On n’aime moins soudain les soit-disant mécènes Pinault et Cie. Car on sent bien qu’ils n’aiment pas l’art pour l’art. Mais comme un outil. Un moyen de défiscaliser. De placer. D’investir. L’art comme une plus-value possible.
Rien à voir avec l’esprit des avant-gardes.

Annabelle Hautecontre

Georgina Adam, La face cachée du marché de l’art, traduit de l’anglais par Jean-François Allain, Beaux Arts éditions, octobre 2018, 240 p. – 23 €

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