Jacques Lemarchand : essais de vie et de théâtre

Celui qui a écrit Je m’emmerde parce que je n’aime pas ce que je fais, est surtout exaspéré par certaines de ses obligations de réserve ou  "sociales". Mais le texte prouve combien l'auteur était un passionné : il ne se contente pas d'aller voir les spectacles qui se donnent à Paris mais suit les spectacles "en terirtoire" de la décentralisation.

Il est resté un noble et généreux serviteur du théâtre qu'il défendait en se moquant des étiquettes. Très tôt il défend Ionesco, Beckett, Adamov, Genet sans renier le théâtre "classique" et la Comédie Française. Ses notes elliptiques prises ex abrupto à la sortie d’une représentation : "bon", "excellent", "con" seront développées dans ses articles (et l'éditrice a l'intelligence d'en fournir des extraits). Lié à Camus et Vian il défendit toujours le bon théâtre. Et s'il fustige une pièce de Brasillach c'est tout simplement par ce que C’est niais et souvent très mauvais.

Ce journal est sinon juste du moins "vrai". Il était un aide-mémoire où l'auteur est outrancier parfois mais d'un caractère joyeux et dépressif. Il ouvre aussi sur sa vie intime mouvementée. Il aime les femmes – surtout celles du théâtre et de l’édition. Il parle de ses rapports amoureux avec crudité mais c'est une manière de ne pas tricher sur ce qu'il en était pour lui de certaines amours.

Lorsque sa relation avec la comédienne Sylvia Monfort se défait et qu'elle le plaque, il tombe amoureux d'une femme de 26 ans plus jeune que lui. Et il hésite à continuer une relation restée jusque là non consommée : poursuivre, Il me semble que je me suis foutu dans une histoire complètement idiote. Mais le corps et le cœur possèdent des raisons qu'elles-mêmes ignorent. Et ce avant une relation à rebondissement avec Claude Sarraute.

Le journal montre un homme très vite abattu et remué par ce qu'il prend pour sa médiocrité de vie. On comprend mieux sont goût pour un autre chroniqueur du théâtre : Léautaud. Le lisant il note : Étonnant comme ma vie  et mes emmerdements  ressemble à la sienne. Néanmoins moins atrabilaire que son aîné, son journal n'est pas aussi brillant que le sien, mais une telle œuvre reste de référence et pas seulement pour les amateurs de théâtre.

Jean-Paul Gavard-Perret


Jacques Lemarchand, Journal (1954-1960), édition de Véronique Hoffmann-Martinot, coll. Pour mémoire, Claire Paulhan éditeur, mai 2020, 472 p., 32 €

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