"Tout n'est pas perdu" - violence de la mémoire émotionnelle

Rares sont les romans noirs qui dérangent vraiment le lecteur, surtout un lecteur assidu du genre. C'est pourtant le cas avec Tout n'est pas perdu de Wendy Walker, qui nous fait entrer dans la mémoire en cours de reconstruction d'une jeune femme victime d'un terrible viol avec violence. Avec l'accord de ses parents, la petite suit un traitement expérimental sensé bloquer les souvenirs... 

La solution la plus simple n'est pas toujours la meilleure... Car la tentation de la médicalisation "miracle" du traumatisme qui est mis en avant dans le programme expérimental risque de causer plus de mal en créant un vide entre les souvenirs "perdus" et les sensations liées au viol qui demeurent fortes mais sans repères, créant un nouveau traumatisme, celui-ci pire sans doute car presque fantasmatique tout en étant bien réel... C'est ce qui arrive à la petite Jenny, dont les parents acceptent le traitement par amour, laissant leur fille vivre avec cette nouvelle terreur "sans objet", qui vit comme autonome... Ainsi dans l'esprit de la petite, deux mémoires s'affrontent, celle de l'esprit et celle du corps (la mémoire émotionnelle), créant des troubles bien plus violents. 

Dans le cabinet du thérapeute qui va être le lien entre tous les personnages de cet incroyable récit, la vérité de reprendre ses droits et laisser les démons de toutes les victimes (Jenny, bien sûr, mais aussi ses parents) sortir et faire imploser le "réel". La douleur psychologique terrible va détruire tout et tous, et poser une chape oppressante qui ne lâchera pas le lecteur, si tant est qu'il passe le style déroutant mais tenu tout du long et la focalisation interne du thérapeute qui conduit tout le récit par les voix de tous les personnages qu'il traite. Un grand moment de lecture.



Loïc Di Stefano

Wendy Walker, Tout n'est pas perdu, traduit de l'anglais (USA) par Fabrice Pointeau , Sonatine, mai 2016, 341 pages, 21 eur

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