"Gettysburg", l'acte de naissance de la puissance américaine

Auteur d’un que sais-je sur la guerre de sécession, Farid Ameur, chercheur spécialiste des Etats-Unis, est aussi devenu l’auteur référence en France sur la guerre de sécession, la fameuse Civil War entre nord et sud, à la fois bien documenté et mal connue en France. Dans ce Gettysburg, On y apprend beaucoup sur cette bataille, décisive à bien des égards. En 1863, le Sud est à un tournant. Si les batailles sur le front virginien tournent généralement à l’avantage des troupes de Robert Lee, l’Union est en passe de couper en deux la confédération en prenant le contrôle du Mississipi. Après s’être emparé de la Nouvelle Orléans, les troupes fédérales assiègent en effet la forteresse de Vicksburg. Bien que le président Jefferson Davis soit initialement d’avis de porter secours à la ville assiégée, Lee décide le gouvernement confédéré à l’autoriser à envahir la Pennsylvanie afin de rechercher la décision au Nord. En disciple de Napoléon, Lee recherche une bataille décisive qui anéa
ntirait l’armée du Potomac. Le tout pour le tout en somme.

 

La bataille dont ne voulait pas Robert Lee

 

A la lecture de l’ouvrage, une des surprises du néophyte est de découvrir que Robert Lee, le grand stratège sudiste, auréolé de ses victoires de Fredericksburg et Chancellorsville, ne voulait pas se battre à Gettysburg. La bataille commence par un simple accrochage entre l’avant-garde sudiste et une brigade nordiste. Les renforts affluent et la bataille prend de l’ampleur sur un site plutôt à l’avantage des yankees. De plus, la bataille tourne rapidement à la boucherie. A la surprise de Lee, sa manœuvre d’enveloppement échoue et il ne réussit pas à détruire l’armée du Potomac (il cherchait à recréer les conditions de la fameuse bataille de Cannes reportée par Hannibal en -216, graal de tous les amateurs de Kriegspiel) et est contraint à une piteuse retraite (il réussit toutefois à sauver son armée en très mauvaise posture). Après Gettyburg, le Sud se résout à la défensive…

 

Le tournant de l’histoire américaine

 

Au-delà de l’histoire bataille, Gettysburg occupe une place centrale dans l’histoire américaine. Pour beaucoup d’historiens, la guerre civile constitue l’acte de naissance de la nation américaine, bien plus que la guerre d’indépendance de 1776-73. L’opposition entre le Nord industriel, protectionniste et moderne et le Sud agraire tourné vers la culture du coton, libre-échangiste, traditionnel et esclavagiste recouvrait un conflit plus fondamental sur la nature de l’Union et des liens avec les états et aussi sur la nature de ce nouvel état qu’étaient les Etats-Unis d’Amérique. En 1860, ce pays de 31,5 millions  d’habitants a largement débordé des frontières initiales des 13 colonies en absorbant la Louisiane française (1803), la Floride, le Texas, la Californie et le Nouveau-Mexique (suite à la guerre avec le Mexique en 1846-48) pour acquérir l’envergure d’une puissance mondiale. Si la guerre civile avait débouché sur la victoire du Sud, il est fort probable que la puissance émergente aurait eu les reins brisés pour longtemps. D’ailleurs, Napoléon III le pressent et  n’hésite pas à afficher ses sympathies sudistes, aussi pour couvrir aussi les arrières de l’expédition française au Mexique (au final un échec désastreux). C’est bien à Gettysburg que s’est joué une bonne partie du destin impérial des Etats-Unis et c’est l’un des nombreux mérites de l’ouvrage de Farid Ameur que de le démontrer.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Farid Ameur, Gettysburg, éditions Tallandier, janvier 2014, 221 pages, 19,90€
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