Réveillez-vous caricatures : Denis Pouppeville

 

Pendant longtemps Denis Pouppeville s’est complu à se nommer « un peintre anecdotique ». De fait il ne cesse de cultiver une certaine sauvagerie de la vie urbaine mais en évitant tout pathos. Très impressionné par la peinture classique, entre autre par Nicolas Poussin pour sa « construction plastique fabuleuse, picturalement parfaits » l’artiste retient chez un tel aîné sa capacité à « raconter des anecdotes et un tissu d’histoires ». Il les a redécouvertes aussi chez Klee et sa « mémoire d’un petit chat, d’un petit serpent qui lui parle parce qu’il traverse son petit jardin tous les matin.s Après on voit le petit serpent dans les tableaux… Ça c’est la mémoire ». A sa manière Pouppeville fait la synthèse de ces deux types d’approche - ironie en plus.

Les femmes - plus ou moins nues comme tous ses personnages - ont remplacé progressivement la silhouette fantomatique solitaire première (avec des yeux ronds, ahuris) qui n’était pas sans rappeler certains personnages de Rustin (une des références de l’artiste) mais en plus enjoués. Peu à peu les présences ont changé : les ombres sont moins fantomales. A l’époque elles surgissaient de manière nocturne dans un embrouillamini de segments entre abstraction et figuration qui les laissaient en esquisse ou comme pas tout à fait nés. Toutefois peu enclin à l’abstraction et plus influencé par l’Ecole de Paris que par les américains, Pouppeville s’est rapproché d’une puissance caricaturale afin d’éviter toute prétention à sa peinture. Cela lui a réussi.

Devenu - et afin de gagner sa vie - dessinateur dans les journaux l’artiste ne refuse jamais - bien au contraire - l’anecdote. Il y a puisé des sujets. Si bien qu’il affirme avoir privilégié la figuration à la plastique. De fait cela est discutable. Louis Calaferte a souligné dans un de ses Carnets (« Dimensions », Carnet XV) l’importance de dessins de nus à la plume et à l’aquarelle « sûrs, inspirés, forts, sas les habituelles mièvreries du sujet » et « dont la facture est essentiellement personnelles ». Rameutant de plus en plus de personnages dans ses œuvres l’artiste les transforme en miroir de la foule humaine « qui fait à peu près n’importe quoi et qui sont moi-même aussi ». L’artiste ne se sert pas en effet de son art comme d’un banc des accusés. Il n’est pas un Sartre pictural et ne juge pas de haut ses semblables, ses frères (et sœurs). C’est pourquoi sa peinture est vivante. Fantasmée (lorsqu’il s’agit des approches d’éros) mais vivante.

Jean-Paul Gavard-Perret

Gilbert Lascault et Denis Pouppeville, “Les fumeuses fatales”, Editions Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 56 pages.

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