Jean-Gilles Badaire : parfum de Colette Thomas l'hallucinée

Le nom de Colette Thomas est cité dans la chanson It must be a sign du plus bel album de Christophen Aimer ce que nous sommes.
Il est énoncé dans le prélude à cette chanson par Denise Colomb dont la voix est extraite du documentaire La Véritable Histoire d'Artaud le Mômo.

Colette Thomas était comédienne.¨Première épouse de l'écrivain Henri Thomas elle fut une proche d'Antonin Artaud qui écrivit à son sujet : Colette Thomas est la plus grande actrice que le théâtre ait vue, c'est le plus grand être de théâtre que la terre ait eu.

Sujette à des troubles psychiatriques, sa séparation avec Henri Thomas et la mort d'Antonin Artaud aggravèrent très sérieusement son état. Elle a laissé sous le pseudonyme de René, un livre, Le Testament de la fille morte (Gallimard, 1954). Et pour ce présent ouvrage a été retenu un fragment. Il laisse à lui seul bien loin derrière lui toute une poésie surréaliste tant le rêve nocturne est animé ici par une divine sorcière.
La dimension onirique mêle le tragique à l'éros à travers celle qui fut prise par la réalité sans en avoir été éprise : Je me lève dans le monde où les peignes sont sales et les draps tachés, écrit-elle. D'où une avancée reptilienne au moment où sur un promontoire l'héroïne s’amuse à enfoncer mes ongles dans les tiges triangulaires et charnues de plantes qui traînent sur le sol comme du lierre et qu’on appelle pattes de sorcières.

Surgit l'histoire d'un corps perdu dans le roulement du tonnerre. Mais le regard découvre aussi la lumière même brandie par je ne sais quelle main, une lumière jaune, et précise comme une fabrication mécanique et préméditée de quelque homme. Soudain à la machinerie théâtrale fait place celle que l'auteure avait fomentée avec  le pique-feu qu’Antonin Artaud m’a donné et qui est comme un éclair solidifié – et que je peux tenir dans ma seule main. Pour autant elle n'en abuse pas, pas plus que de son pouvoir : elle rentre chez elle afin de ne pas être trempée.
Non qu'elle craigne le mal : elle était morte avant, enfouie au centre même de la souffrance qui constitua tout un monde  que J-G Badaire exprime avec ses dessins à la rudesse volontaire. L'angoisse qu'il met en exergue appartient  à celle dont deux cierges brûlaient à sa tête et qui prie pour la morte que tu devrais être et qui n’existera pas grâce à ta foi.
Badaire comprend qu'il s'agit de dessiner cette étrange présence et il y réussit. Cette femme-là porte sur elle l’odeur de la nature, écrit Colette Thomas. Et l'artiste décline ou plutot  éclaire la puissance de ce parfum de femme.


Jean-Paul Gavard-Perret
 

Colette Thomas, L'odeur de la nature, 30 exemplaires sur vélin comportant chacun deux peintures originales de Jean-Gilles Badaire, Fata Morgana, 2016, 16 p.-, 180 euros

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