Henri Thomas : l'aller et le retour

Dans la suite immédiate des Reportage que Henri Thomas publia à la NRF, paraissent entre 1982 et 1987,  cinquante-trois Amorces. Elles sont pour la première fois réunies en volume. L'écrivain les définit en tant que compositions, à partir de notes [...]  une tentative de portrait d’un inconnu à partir de quelqu’un qui m’est familier.
À savoir celui qui, en, lui-même, le tourmente, l'agace jusqu'à devenir mon seul point de départ et de retour. Et Thomas de préciser encore : Si l’inconnu était mon moi idéal, il ne me serait pas inconnu. Il est plutôt comme une figure de l’autre côté de la tapisserie, où je ne serai jamais.

Par des voies parallèles tout un travail introspectif autour de l'intime, la solitude et la quête d'identité prend donc corps. L'auteur évolue vers plus de tension dans un univers fantasmé, souvent inquiétant.
Il y a des écorchés, des corps humains qui se côtoient ou s'agglomèrent sans pour autant qu'une fête ait forcément lieu. Surgissent d'autres pulsions et des peurs. S'y précise le titre même de l'ensemble : "L’homme va vers un tiroir où il prend un revolver et, devant le médecin pétrifié, se «brûle la cervelle», comme on disait au temps des amorces".

Néanmoins la vie demeure. Parfois même renouvelée voire brillante, même si, comme souligne Lionel Bourg, le désir se soustrait à son assouvissement et que la mort rôde sourdement. Si bien que parfois et par avance il semble plus judicieux de se jeter à l'eau quitte à y nager tant que faire se peut.
Preuve que dans ces Amorces il n'existe rien d'apaisé :  ce qui n'empêche pas le lecteur d'y apprécier un enchantement. Il devient soit pensif, soit rêveur après chaque fragment.

Contre les mots qui verrouillent le sens, un tel livre permet de comprendre comment faire pour tenter de prolonger l’ivresse de l’infini des possibles mais c'est aussi une manière de se frotter à l'impossible. Et ce, même si les vivants le restent  malgré eux. Et à la vue de leur fin nul est empêché de retrouver son début, même si le passé lasse et le futur dépasse.


Jean-Paul Gavard-Perret


Henri Thomas, Amorces, illustrations de Michel Danton, Fata Morgana, mai 2921, 288 p.-, 27 euros

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