Dans Verger, etc... et à travers la campagne bourguignonne, l'écriture devient pour une part un instrument  capable de connoter tout en la détruisant la stabilité de l’ordre établi par le choix des êtres, des objets ou des situations distingués par leurs possibles théâtralisations scripturales. 
L’écriture souligne combien la réalité est insaisissable. Les différents éléments que Commère lui inocule le prouvent.  Cela permet de souligner l’artificialité de toute représentation en opérant divers types d’exagérations : Le soleil, grand enfant, achève son dessin sur le verger, puis l’efface d’un geste de la manche, plusieurs fois. Ou bien il s’appuie sur le toit, tire un trait droit en travers du verger.
Mais soudain la campagne bourguignonne entière, dans ces notes de carnet, résonne selon les humeurs des saisons, des souvenirs, des anecdotes et citations. Le langage règne, il est défenseur de l’imperceptible. L’auteur démonte les ressorts narratifs afin de prouver qu’ils ne supportent que difficilement ce qu’on veut leur faire porter. Ce qui ne veut pas dire pour autant que Commère n’attend que le rien dans la littérature, il la porte vers le poétique pur.
Grâce à tous ces questionnements sur la représentation ce texte devient extrêmement réflexif. Il nous lit autant que nous le lisons et cette impression peut être particulièrement déstabilisante. En revendiquant son artificialité et son hétérogénéité un tel opus assume la multitude d’interprétations et de subjectivités.
La signification n’est pas fixée, le sens apparaît comme une construction non pas donnée par l’auteur, mais échafaudée, à partir d’éléments hétérogènes qui assument l’instabilité du réel. Cette approche devient le moyen le plus puissant d’appréhender le monde. Autant alors jouer avec le feu de l’artifice et laisser s’enflammer les semblants. Pascal Commère le propose et l’assume. Tout est là de manière humble et fabuleuse – ce qui on l’aura deviné n’exclut pas la complexité et le dilemme. Au contraire !

Jean-Paul Gavard-Perret

Pascal Commère, Verger, etc…, Monotypes de Joël Leick, Fata Morgana, octobre 2022,  64 p.-, 14€