Aventures de Télémaque de Fénelon : Résumé


Résumé : Aventures de Télémaque de Fénelon (1699)

 

Télémaque, fils d’Ulysse, inspiré par l’amour filial et par celui de la patrie, s’expose aux dangers d’un long voyage afin d’aller chercher son père, dont l’absence prolongée menace de causer de grands malheurs. Plusieurs prétendants se disputent la main de la reine, bien qu’on n’ait encore eu aucune nouvelle officielle de la mort de son époux. Minerve, déguisée sous la figure de Mentor, accompagne le jeune prince, et fait servir tous les accidents du voyage à son instruction. Elle veut faire de Télémaque un digne fils d’Ulysse mais, au lieu de lui donner la sagesse, tout d’un coup et comme une faveur spontanée, elle veut qu’il la désire par le spectacle des maux dont elle est le préservatif et le remède, et qu’il la mérite par le regret sincère de ses fautes, lorsqu’il lui arrive d’en commettre.

 

L’action s’ouvre dans l’île de Calypso où Télémaque est jeté par un naufrage avec Mentor. La déesse, éprise de sa jeunesse et de sa beauté, lui fait des offres séduisantes pour le retenir près d’elle, et d’abord, elle l’engage à lui faire le récit de ses aventures. C’est donc de la bouche de Télémaque lui-même, que nous apprenons tous les événements qui se sont accomplis depuis le départ d’Ithaque, jusqu’au naufrage où il aurait péri infailliblement sans le secours et les conseils de Mentor. Tout ce que Télémaque a dit de lui-même, la bonne grâce et l’heureuse facilité de son langage, la modestie avec laquelle il reconnaît ses fautes, n’ont fait qu’accroitre la passion de Calypso ; mais Télémaque, bien qu’il soit plein de reconnaissance pour les bontés que la déesse lui témoigne, n’éprouve point d’amour pour elle, et c’est une de ses plus jeunes nymphes, Eucharis, qui lui inspire une passion qu’on voit naître, dont on suit toutes les phases avec un intérêt croissant, et qui va faire oublier à Télémaque tous ses devoirs. C’est à ce moment que Mentor, comme un habile chirurgien qui tranche un membre pour sauver le malade, le précipite dans la mer, et le force à gagner à la nage un vaisseau qu’il avait aperçu à quelque distance du rivage. Nous ne suivrons pas le jeune héros dans les différentes péripéties de son voyage ; nous signalerons seulement le long séjour du fils d’Ulysse auprès d’Idoménée, roi de Salente ; les maux que celui-ci s’est attirés par son orgueil et par la fausse idée qu’il se fait de la gloire ; l’intervention de Mentor, qui saisit cette occasion pour montrer à Télémaque comment la modération et la sagesse peuvent prévenir tous les malheurs d’une guerre inégale. Ici, Télémaque se sépare de Mentor ; il accompagne Nestor pour aller combattre les Dauniens pendant que Mentor reste avec Idoménée pour l’aider à réformer tous les abus qu’il avait laissés s’établir dans son gouvernement. Au camp des alliés, Télémaque rencontre Philoctète, qui lui fait le récit de ses aventures. C’est un des plus beaux épisodes du livre. Dans les combats, Télémaque montre le courage d’un héros ; mais son impétuosité et la fierté de son caractère lui font commettre des imprudences qu’il rachète ensuite par son empressement à les reconnaître et à les réparer.

 

L’image de son père s’étant présentée à lui plusieurs fois dans ses songes, il se persuade qu’Ulysse doit être mort, et, pour s’en assurer, il prend la résolution de l’aller chercher dans les enfers. Il sort du camp secrètement, accompagné de deux Crétois, et se dirige vers la caverne d’Achérontia dans laquelle il ne craint pas de s’enfoncer au travers des ténèbres. Il arrive bientôt aux bords du Styx. Caron consent à le recevoir dans sa barque, et Pluton lui-même lui permet de chercher son père. Il traverse le Tartare, où il voit les tourments qu’endurant tous les criminels, puis il entre dans les Champs-Élysées où il est reconnu par son bisaïeul qui lui assure que son père est encore vivant, et qui l’engage à retourner à Ithaque.

 

Revenu au camp, Télémaque a de nouveau l’occasion de montrer sa valeur en combattant et en tuant de sa main l’impie Adraste. Les alliés veulent partager entre eux le pays des Dauniens vaincus, et ils offrent d’en détacher le territoire d’Arpi dont Télémaque deviendrait roi, mais celui-ci refuse et les décide à reconnaître Polydamas comme roi des Dauniens, taudis que le territoire d’Arpi est donné à Diomède.

Télémaque retourne alors à Salente, où il remarque de grands changements dont Mentor lui donne l’explication. Son cœur se laisse toucher parles charmes d’Antiope, fille d’Idoménée ; Mentor approuve son inclination, non sans lui faire comprendre qu’il doit d’abord songer à remplir son devoir qui est de retourner à Ithaque. Idoménée cherche à le retenir, mais Télémaque parvient à surmonter ses sentiments et s’embarque avec Mentor. Ils relâchent dans une île où ils rencontrent Ulysse ; Télémaque lui parle sans le reconnaitre, mais il sent un trouble secret dont Mentor lui explique ensuite la cause. Enfin, Minerve reprend sa forme, et donne ses dernières instructions au fils d’Ulysse qui ne tarde pas à rejoindre son père à Ithaque.

 

Rien n’est plus beau que l’ordonnance du Télémaque ; et l’on ne trouve pas moins de grandeur dans l’idée générale que de goût dans la réunion et le contraste des épisodes. Les chastes et modestes amours d’Antiope, introduites à la fin du poème, corrigent d’une manière sublime les emportements de Calypso et l’intérêt de la passion se trouve deux fois reproduit sous l’image de la fureur et sous celle de la vertu. Mais, comme le Télémaque est surtout un livre de morale politique, ce que l’auteur peint avec le plus de force, c’est l’ambition, cette maladie des rois qui fait mourir les peuples, l’ambition grande et généreuse dans Sésostris, l’ambition imprudente dans Idoménée, l’ambition tyrannique et misérable dans Pygmalion, l’ambition barbare, hypocrite et impie dans Adraste. Ce dernier caractère est tracé avec une vigueur d’imagination qu’aucune vérité historique ne saurait surpasser. Cette invention des personnages n’est pas moins rare que l’invention générale du plan. Le caractère le plus heureux, dans cette variété de portraits, c’est celui du jeune Télémaque. Il réunit tout ce qui peut surprendre, attacher, instruire. Dans l’âge des passions, ils est sous la garde de la sagesse, qui le laisse souvent faiblir, parce que les hommes font l’éducation des hommes ; il a l’orgueil du trône, l’emportement de l’héroïsme et la candeur de la première jeunesse. Ce mélange de hauteur et de naïveté, de force et soumission, forme peut-être le caractère le plus touchant et le plus aimable qu’ait inventé la muse épique.

Pour achever de saisir dans Télémaque, trésor des richesses antiques, la part d’invention qui appartient à l’auteur moderne, il faudrait comparer l’Enfer à l’Élysée de Fénelon avec les mêmes peintures tracées par Homère et par Virgile ; on sentirait tout ce que Fénelon a créé de nouveau, ou plutôt tout ce qu’il a puisé dans les mystères chrétiens, par un art admirable ou par un souvenir involontaire. La plus grande de ces beautés inconnues à l’antiquité, c’est l’invention de douleurs et de joies purement spirituelles, substituées à la peinture faible ou bizarre de maux et de félicités physiques. C’est là que Fénelon est sublime. Rien n’est plus philosophique et plus terrible que les tortures morales qu’il place dans le cœur des coupables et, pour rendre ces inexprimables douleurs, son style acquiert un degré d’énergie qu’on n’attendrait pas de lui, et que l’on ne trouve dans aucun autre. Mais, lorsque délivré de ces affreuses peintures, il peut reposer sa douce et bienfaisante imagination sur la demeure des justes, alors on entend des sons que la voix humaine n’a jamais égalés, et quelque chose de céleste s’échappe de son âme, enivrée de la joie qu’elle décrit. Ces idées-là sont absolument étrangères au génie antique ; c’est l’extase de la charité chrétienne ; c’est une religion toute d’amour interprétée par l’âme douce et tendre de Fénelon. L’Élysée de Fénelon est une des créations du génie moderne ; nulle part la langue française ne parait plus flexible et plus mélodieuse.

 

Le style de Télémaque a éprouvé beaucoup de critiques. Il est certain que cette diction si naturelle, si doucement animée et quelquefois si énergique et si hardie, est entremêlée de détails faibles et languissants ; mais ils disparaissent dans l’heureuse facilité du style. L’intérêt du poème conduit le lecteur, et de grandes beautés le raniment et le transportent. Quant à ceux qui s’offensent de quelques mots répétés, de quelques constructions négligées, qu’ils sachent que la beauté du langage n’est pas dans une correction sévère et calculée, mais dans un choix de paroles simples, heureuses, expressives, dans une harmonie riche et variée qui accompagne le style et le soutient comme l’accent soutient la voix ; enfin, dans une douce chaleur partout répandue, comme l’âme et la vie du discours.

 

 

[D’après Daniel Bonnefon. Les écrivains célèbres de la France, ou Histoire de la littérature française depuis l'origine de la langue jusqu'au XIXe siècle (7e éd.), 1895, Paris, Librairie Fischbacher.]

 

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