Après le calendrier Maya, le calendrier NASA !


Chronique. Humeur et mauvaises humeurs de Gerald Messadié |

 

« La NASA prévoit la fin de la civilisation », tel était le titre d’un blog apparu sur le site du Monde le 18 mars 2014. L’on y apprenait qu’« une étude du Centre de vols spatiaux Goddard de la NASA explique que la civilisation telle que nous la connaissons aujourd’hui pourrait bien disparaître dans les prochaines décennies, en raison d’un problème de gestion des ressources naturelles et d’une mauvaise répartition des richesses. » Le conditionnel atténuait à peine l’impact de cet avertissement apocalyptique : l’étude se fonde « sur un nouvel outil analytique baptisé « HANDY » pour Human and Nature Dynamical, mis au point par le mathématicien Safa Motesharrei du Centre national de synthèse socio-environnementale » et l’on apprenait également qu’elle a été publiée dans l’Elsevier Journal Ecological Economies ; elle a été diffusée par la RTBF. Tant d’augustes références inciteraient à penser qu’il s’agit là d’un travail sérieux, même si nous n’avons jamais entendu d’un « Centre national de synthèse socio-environnementale » ni de la publication citée, bien que familier de la littérature scientifique.

 

« En étudiant l’histoire des civilisations, poursuit le blog, les chercheurs ont mis en évidence les raisons qui ont contribué à leur chute, que ce soient les Mayas ou encore l’Empire romain. Une série de facteurs liés entre eux seraient donc à prendre en compte, parmi lesquels le climat, la population, l’agriculture ou encore l’énergie. » Et là, les doutes suscités par les premières lignes de ce communiqué prennent une force nouvelle. On pouvait déjà se demander ce que les auteurs entendent par « mauvaise répartition des richesses » : s’agit-il des richesses naturelles ou bien de celles de la finance ? S’il s’agit de ces dernières, l’Afrique devrait déjà avoir disparu depuis des années, minée par les scandales financiers et la corruption ; aux dernières nouvelles, au Nigeria, par exemple, un haut fonctionnaire a publiquement dénoncé la disparition de 20 milliards de dollars des revenus pétroliers de ce pays. Tout au long de cette disparition, qui ne s’est pas faite en une nuit, la population, elle, vivait avec environ 2 dollars par jour.

 

La NASA s’occuperait-elle donc de justice sociale dans le monde ? C’est bien ce qu’il semble selon la RTBF, car selon Safa Motesharrei et ses collègues, l’un des deux scénarios du XXIe siècle serait la réduction par la famine des populations pauvres. « Dans ce cas, la destruction de notre monde ne serait pas due à des raisons climatiques, mais à la disparition des travailleurs. »

 

Ce serait donc de l’histoire que nos chercheurs tireraient des leçons de socio-écologie. Voire. Car on se demande comment les Mayas illustreraient cette hypothèse. Mais il est vrai que cette très ancienne civilisation (elle remontait au XVe siècle avant notre ère) excite beaucoup les imaginations depuis de nombreuses années et que, pour titiller le public, maints auteurs se sont doctement interrogés sur les vraies raisons de la « chute de l’empire Maya ». Certains inventèrent même une prédiction de la fin du monde selon le calendrier maya, qui devait avoir lieu l’autre année, on s’en souvient sans doute. Or, il n’y eut jamais d’empire maya, au sens où le mot « empire » désignerait un État centralisé ; cette population de plus de 2 millions occupait de vastes territoires allant du Mexique au Bélize, Guatemala compris, et leur quarantaine de cités se faisaient des guerres continues qui finirent par les affaiblir ; plusieurs d’entre elles furent donc abandonnées et tombèrent en ruines. Les Aztèques prirent leur succession. Mais les Mayas existaient toujours lors de la conquête espagnole, seul leur pouvoir politique et militaire avait disparu et l’on ne voit guère quel secret sur leur déclin aurait pu révéler le « nouvel outil analytique "HANDY" ». Quant à l’empire aztèque, il s’effondra sans mystère sous les coups des conquérants espagnols. Les descendants actuels des uns et des autres sont toujours travailleurs et ne semblent pas menacés de disparition.

 

« Le second scénario catastrophe repose, selon nos chercheurs, sur la surconsommation des ressources qui entraînerait un déclin des populations pauvres, suivi par celui, décalé dans le temps, des populations riches. » Creusant la même veine de socio-écologie prétendument tirée de l’histoire, ces chercheurs avancent que « plusieurs empires ont disparu notamment à cause de l’aveuglement des élites qui, jusqu’au bout, se croyaient protégées et ont refusé de réformer leur système de vivre-ensemble. »

 

Étrange interprétation de l’histoire, plus étrange encore quand son schéma décidément marxiste est étendu à la chute de l’Empire romain ; nos théoriciens ont fait abstraction d’un fait : l’extension des territoires, de plus en plus difficiles à contrôler, et les attaques des Huns, des Goths, des Alains, des Vandales, bref de ceux qu’on appelait les Barbares. L’Empire romain n’a certes pas disparu à cause de « l’égoïsme des élites ».

 

On peine à voir de surcroît ce que les paramètres de l’agriculture, de l’eau ou de l’énergie ont à voir avec les élucubrations de nos théoriciens. Il n’existe aucune preuve que la civilisation de l’Indus ou Rome aient jamais souffert d’une crise de l’énergie.

 

Mais l’on est en droit de se demander si la NASA ne préparerait pas la colonisation de Mars ou de la Lune et, dans cette perspective, n’inciterait pas les Terriens à quitter une planète vouée au désastre parce que ses habitants ne savent pas pratiquer le « vivre-ensemble ».

 

L’outil HANDY ne serait-il pas dérivé du FAD-EZ de l’Institut poldève de Pataphysique ? Le calendrier maya a en tout cas un beau successeur : le calendrier NASA.

 

Gerald Messadié

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