Lettre à l'Homo

















Je vais éviter de discourir pompeusement pour discourir, d’haranguer des oies pour finalement haranguer des cons androïdés en phase d’obsolescence programmée, (comme nos machines à laver) m’éviter encore de me perdre dans un galimatias sans fond et obscur, et que sais-je encore que les intellectuels appellent le délire… fût-ce-t-il enflammé, cela ne plaît guère, il faut tuer toute émotion, la noire, la rouge, la verte… toutes à quelques exceptions près pour se fondre dans la scolastique, et gare aux dilettantes qui se laisseraient tenter par la folie des grandeurs ! Je vais donc (à grand-peine) rester simple et banale pour parler de choses simples et banales, de choses complexes et insolites… qui s’évaporent en trois lettres. S’évapore, se condense, se dissout… toujours avec cette idée de transformation d’un corps à un autre, d’une matière à une autre pour finir en une traînée de poudre. On en revient à ce que je dis souvent. Et trop souvent même pour paraître vrai. « L’essentiel n’est pas de vivre longtemps, mais de vivre pleinement » comme dirait l’autre…, le Sénèque que j’ai volé à la bibliothèque ; elle aussi en obsolescence programmée tant telle fait partie de ce vaste décor sans goût ! Pas un regard n’ose s’y aventurer, point de curiosité ou d’envie, donc je me suis allègrement servie, et ce sans culpabilité aucune !

Alors que l’école nous apprend à être encore plus fourbes qu’au départ, menteurs, etc. tout en prenant un air pénétré aux occasions qui s’y prêtent, je me dois à mon tour de déjouer « l’obéissance passive » (ironiquement dénoncée par Hugo) pour recouvrer un fil rouge, vert ou noir, celui que le maître sarbonnard, docte et rigide, rompt d’un coup d’œil fourbi en me cuisinant une demi-heure dans un des bureaux de la bibliothèque Ascoli, qui aurait mieux fait de s’appeler Athalie en mémoire de cette reine cruelle dans la tragédie de Racine.

Et j’apprends, moi l’ingénue amoureuse, que selon la loi de « la maison », mon travail est passible de punition ; celle d’un recalage immédiat pour avoir mis autant de passion et d’enthousiasme sous ma plume. Mea culpa. Mea culpa. Mea culpa.

 

Donc si l’on en revient à ce fameux fil que les uns coupent jusqu’à faire cesser votre cœur de battre et que les autres mesurent sans relâche, comme les Parques ; divinités maîtresses de la destinée humaine, ce n’est pas quelque chose que l’on a perdu et que l’on veuille retrouver, mais tout simplement, il s’agit du fil de la réconciliation pour devenir l’ami de soi et s’éviter tout déplaisir inutile et seulement. Une promesse. La promesse de l’aube, d’une nouvelle aube. Je me retrouve ainsi avec Sénèque sur les bras, bien qu’il se soit donné la mort à l’âge de soixante-quatre ans, en l’année 65 de notre ère – sur l’ordre de Néron dont il avait été le précepteur et l’ami – il pèse bien lourd, plus de mille pages sur le stoïcisme qui est une philosophie du bonheur dont le but est de garantir notre liberté intérieure…


Rencontre inopinée qui ne peut me laisser indifférente comme nous tous d’ailleurs, et pourtant certains vivent comme s’ils étaient immortels. J’espère seulement avoir le temps de profiter de choses simples et authentiques avec toi, avec toi car je pense que nous pouvons rester l’ami de nous-mêmes tout en étant ensemble…avec toi car « aujourd’hui les gens savent le prix de tout, et ne connaissent la valeur de rien » (O.Wilde) mais quant à moi,  aujourd’hui je puis dire que je me suis rendu compte du bonheur de te connaître même si j’aurais préféré ne jamais te rencontrer pour autant souffrir de ton absence. Tu n’as pas réussi à m’émanciper… je ne sais pas si c’est un échec ou une réussite, mais je crois bien que « je t’aime » car grâce à toi je retrouve cet ami du mythe de l’Androgyne de Platon et je goûte enfin à l’ivresse matinale de la vie…



Virginie Trézières

 

Aucun commentaire pour ce contenu.