Idiot : un effet continu d'exténuation agonistique

Le spectacle commence, avant l’heure, dehors, par quelque chose qui ressemble à une manifestation, qui s’avère être un appel à la fête. On comprend qu’il s’agit là d’élargir l’espace du plateau : la farandole et les cris investissent très vite le grand espace d’accueil, déjà baigné par la sono livrant ses airs célèbres, gros son petites musiques. Le texte, crié autant que joué, restitue la cruauté la crudité des propos issus du roman de Dostoïevski, dans un tourbillon sonore et visuel. Il s’agit d’une mise en acte, d’un happening qui ne cesse pas : il en résulte un tourbillon frénétique, une suractivité ininterrompue. Quand le texte n’est pas crié, il est haleté, craché, mis en écho, ou saturé d’habillage sonore. C’est un cri humaniste, désespéré, qui voudrait n’avoir ni début ni fin, qui s’impose dans une vocifération d’apparence incontrôlable.

 

On assiste à une expérience théâtrale qui essaie d’abolir les frontières entre la scène et son environnement, entre l’interprétation et l’incarnation, entre l’aboiement et la formulation, entre le spectateur et le participant, entre l’interprétation et la création. L’écriture au plateau a permis de donner à l’œuvre puissante de Dostoïevski ses échos contemporains. On confine manifestement au sublime (admiration mêlée de frayeur) : on est stupéfait au point d’en rester parfois interdit. C’est une représentation-événement, vivant de violence exacerbée, animée d’une pulsion de révolte continuée. On n’est pas obligé d’adhérer à cette explosion de harangues, d’invectives et d’éructations. Le théâtre « naïf » que veulent élaborer le metteur en scène et sa troupe est un acte agonistique, drastique et heuristique. Il s’agit d’une remarquable performance qui témoigne d’une permanente volonté d’exténuation.

 

Christophe Giolito

 

Idiot ! Parce que nous aurions dû nous aimer, d'après L'Idiot de Dostoïevski, Écriture, mise en scène, conception visuelle et scénographique Vincent Macaigne

 

Avec : Dan Artus, Servane Ducorps, Thibault Lacroix, Pauline Lorillard, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Thomas Rathier et Pascal Rénéric.

 

Décor Julien Peissel ; lumière Kelig Le Bar ; vidéo Thomas Rathier ; assistant à la mise en scène Dan Artus ; construction du décor Ateliers Théâtre Vidy-Lausanne.

Au théâtre Nanterre-Amandiers, du 4 au 14 novembre 2014, grande salle, du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h30. Durée 4h avec entracte.

http://www.nanterre-amandiers.com/

Cie Friche 22.66, Théâtre De La Ville — Paris, Nanterre-Amandiers, Centre dramatique national, Festival d'automne à Paris, Le Lieu Unique — Scène nationale de Nantes, Bonlieu — Scène nationale Annecy, La Bâtie — Festival de Genève

projet Pact Bénéficiaire du Feder avec le programme Interreg IV A France-Suisse

Ministère de la Culture et de la Communication (français) et Pro Helvetia

MC2 : Grenoble

MC2 : Grenoble, Théâtre national De Chaillot — Paris, Théâtre national de Bretagne — Rennes,

CDN d'Orléans-Loire-Centre,

Arcadi (Action régionale pour la création artistique et la diffusion en Île-de-France), Cie Friche 22.66, CNT

 

Tournée : du 1er au 12 octobre 2014 au Théâtre de la Ville, Paris, du 17 au 19 octobre 2014 au Théâtre de la Criée, Marseille, du 19 au 21 novembre, au Lieu Unique, Nantes, les 26 et 27 novembre, à Bonlieu Scène nationale, Annecy.

1 commentaire

Vincent Macaigne est un personnage très précieux, un Artiste remarquable, un artiste pluriel, doué, créatif , travailleur et ami des Artistes , son *idiot!* est aussi formidable , une équipe du théâtre très exigeant et douée. Une pièce où les spectateurs participent et sont enchantés, un théâtre fort en images , des peintures vivantes , un théâtre on ne s'ennuie pas , on est toujours occupé et enchanté ; Vincent Macaigne est fort capable de faire le calme aussi, un acteur fétiche au cinéma; merci aux théâtres et à l'équipe de *l'idiot!* merci à la culture, encore et toujours avec Vincent Macaigne et ses amis