Jérôme Duhamel, L’heure où les loups vont boire : Le Clan Pasquier, suite !

Certains ne manqueront pas de faire une moue boudeuse, d’autres de hausser les épaules pour ne pas crier au ridicule… A quel propos, me direz-vous ? A la décision de donner une suite à un classique, comme le fit non sans panache, Cérésa l’étonnant en continuant à sa manière Les Misérables. Et pourquoi pas ! Qu’on se souvienne même que, dans les années 20, existait une collection « Suppléments à quelques œuvres célèbres », publiées aux Éditions du Trianon et, parmi les titres, Henri de Régnier proposa un Supplément aux Lettres d’Italie du Président de Brosses.

 

L’histoire littéraire regorge de cette tendance qui n’est pas seulement une tentation. Tant mieux même ce culot, cette audace. Une autre réussite vient de me surprendre, le petit-fils de Georges Duhamel vient de publier une « prolongation » de l’œuvre immense que fut Le clan des Pasquier, saga légendaire en dix volumes dont Flammarion a l’excellente idée de rééditer les trois premiers titres en un seul pavé.

 

Les meilleures ventes d’aujourd’hui font figures de tiré à part au regard des trois millions et demi de lecteurs qui, avant guerre, dévorèrent ce roman gigogne. La mode de ces fresques est passée au bénéfice de romans moins fleuve. Non plus le Nil, la Seine. Le lien familial et la figure tutélaire de l’académicien disparu en 1966 auraient pu légitimement desservir voire paralyser Jérôme Duhamel, il n’en est rien.

 

L’un des enfants de Raymond Pasquier, pivot du clan, narrateur de l’histoire familiale, Laurent est, à cinquante ans, un homme comblé, le succès littéraire a consacré ce biologiste élu sous la Coupole et ses romans sont lus avec ferveur. Tout aurait pu sombrer dans la routine bourgeoise si nous n’étions en 1939 et si les rejetons du patriarche ne passaient le plus clair de leur temps à préférer les intérêts personnels aux sentiments. L’argent de Joseph, l’aîné, pourrit aussi sûrement la cohésion familiale que les ambitions politiques, hésitations, lâchetés, trafics et autres veuleries des politiciens de l’après Front populaire.

 

Duhamel petit-fils n’a pas lésiné sur la documentation historique pour restituer sans fatras l’atmosphère délétère de cette charmante période. Étant donné le milieu auquel appartient Laurent, il est vite confronté à des choix lourds de conséquences : résister ou câliner Pétain, travailler à sa déchéance ou à sa rédemption ?

 

Malgré son ampleur, cette suite ne distille aucun ennui, bien au contraire, nous sommes pris, joyeusement piégés par l’intrigue, le style fluide et sans fanfreluches qui ne cherche nullement à imiter celui de grand papa, sans sombrer pour autant dans le bouillon vernaculaire. Comme quoi un grand livre n’a pas de fin. N’en déplaise aux sourcilleux, pusillanimes et autres chloroformés.

 

 

Claude-Henry du Bord

 

Jérôme Duhamel, L’heure où les loups viennent boire, roman, Flammarion, octobre 2012, 623 pages, 22 €

 

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2 commentaires

Je partage totalement cet avis. Jérôme Duhamel a su savamment mêler anecdotes et humour à l'atmosphère particulière des années 39-40.

Y aura-t-il neuf autres volumes par la suite ?

j'espère qu'il y aura une suite au dernier roman "l'heure ou les loups vont boire"....on attends la suite avec impatience !!