La chaleur, de Victor Jestin, ou comment passer à côté de l’essentiel

Prix littéraire de la Vocation 2019

Un premier roman qui claque. Une nouvelle, dirait les Anglo-saxons, mais en France, désormais, on aime faire court. Inutile d’imposer un pavé de 600 pages quand on peut dire la même chose en 144. D’ailleurs, le tempo se déroulant sur une seule journée, c’est déjà pas mal… Surtout pour Léonard qui porte son ennui au beau milieu des cris de joie des vacanciers.
Le camping a beau être trois étoiles, l’idée ne lui sied guère. D’autant qu’il a la conscience qui le ronge légèrement. Les dunes qui attirent son regard. Le monde qui semble tourner au ralenti… S’est-il drogué pour en arriver là ? Du tout. Il a seulement laissé faire. Complice par inaction. Léthargie du pire. Il a regardé Oscar mourir sans bouger le petit doigt. S'entortiller dans les fils de la balançoire. Une mort idiote... Tant pis, ce qui est fait est fait...
Pensait-il trop à Luce ? Probablement. Ou alors, passait-il sans le savoir un test d’endurance...

C’est angoissant et jubilatoire. On pêche par perversité morbide. On se régale de voyeurisme. On se vautre dans les suppositions. On veut que le salaud s’en sorte, mais est-il un salaud pour de vrai ?

Écrit à la première personne, en phrases courtes, le récit n’est pas autobiographique pour autant. Il survole les contradictions d’un très jeune homme. Sempiternelle danse de fou entre désir et dégoût. Pour ce camping des Landes. Pour cette société du spectacle qui se contente du superflu.
Et si je regarde juste Oscar mourir, sans bouger, pour voir si je peux m’en sortir ? Psychopathe en sommeil, Lénoard finit ses 17 printemps dans la peau d’un monstre… Mais est-ce la seule chaleur qui a ainsi fait vriller son cerveau ? Ne pas secourir est-ce pour autant tuer quelqu’un ? Un accident reste un accident…
La police n’est pas de cet avis et bien malin le lecteur qui devinera la fin… que l’on se garde bien de vous souffler.
Lisez ce livre, vous n’en ressortirez pas indemne…

Annabelle Hautecontre

Victor Jestin, La chaleur, Flammarion, août 2019, 144 p.-, 15 €

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