L'art du ratage selon Lucie Martin

Classés sans suite est un (beau) titre à résonance presque surréaliste. Les poèmes qu'il annonce mêlent intrigues amoureuses (qui ne satisfont pas l'autrice car les hommes qu'elle chérit brillent plus par leur trahison que leur fidélité) et une suite de textes en vers ou prose poétique. Les ratages là encore se succèdent mais toujours de manière enjouée et ce même si sous l'aspect primesautier la colère pointe.
Mais l'auteur – ou l'héroïne – refuse d'y succomber.

Elle rive néanmoins son clou à la masculine engeance même si ses amants de presque un jour sont des aimants dont les pôles s'étiolent avec un temps des plus comptés. Lucide, Sophie Martin se rit autant d'elle de se laisser détruire par de tels artefacts de l'humain et de l'amour.

Il serait temps pour l'autrice de contribuer à sa survie en évitant cette suite de clones et de suivre sa propre prière ironique des filles perdues. Celle qui jusque là ne s'était essayée qu'au roman et, dit-elle, n’avais pas pensé à écrire de la poésie, surprend et séduit.

Et Sophie Martin nous rassure : sa futilité à ne pas penser devenir poétesse ne veut pas dire qu'elle n’ait pensé à rien. Au contraire : Je ne dis pas ça pour réjouir les amateurs d’inconscience en littérature : romanciers imbéciles se laissant soi-disant entraîner par leurs personnages, poètes aux yeux révulsés attendant au dernier rang, sages comme des cancres, ajoute-t-elle.
D'où cette dérive qui grâce au poème évite les fadaises du roman. A sa platitude font place tours, détours, circonvolutions où le ratage sentimental et sexuel à nouveau devient à peu près présentable.

Jean-Paul Gavard-Perret

Sophie Martin, Classés sans suite, Flammarion, mars 2020, 98 p.-, 17 €

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