Femmes sans influence : Sandra Moussempès

Je n’en pouvais plus des thématiques je voulais écrire ce qui vient, précise  Sandra Moussempès. À savoir évoquer qui sont les femmes. La première est, étant donné le titre, Cassandre, la bien nommée qui annonce la perte mais aussi la résurrection. Si bien que le rose de la couverture n'est qu'une façade de même que la femme qui s'y inscrit sans visage.

Mais à ce stade on ne connaît encore rien de celles dont il est question. Il y a là des tritones qui bouillonnent sous le pont de la rivière Quoi, de la rivière Qui. Les Vénus y sont de mille eaux et après avoir touché le fond de leurs piscines bétonnées par les hommes elles rejaillissent en femmes fontaines de poésie.

Sissi n'est plus ici. Elle est remplacée par les nymphes qui jouissent des clapotis hors jacuzzi. Exit l'ombre des vieilles filles en fleurs fanées. Les nouvelles versions ignorent Damart et bigoudis. Seules les gaines Scandale pourraient leur convenir. Mais elles ont d'autres chiens à battre que ceux de guerre. Pas question qu'elles s'absentent d'elles-mêmes. Elles ignorent les affres nostalgiques et savent se désapprendre à se mentir.

Sortant de l'eau comme la Vénus de Botticelli, leurs jupons retroussées elles feignent d'éviter les éclaboussures et ne sont pas prêtes à  toutes les voussures. Saigneuses des anneaux maritaux, elles gardent comme seule vérité leur féminité et se moquent des fauves alentour.  Leurs corps en ébullition dansent et chantent l'avenir de leur chair.

Leurs mille devoirs d'amour glissent son arc-en-ciel dans la couleur framboisée qui mûrit à l'envi. C'est alors que l'élégance pétille de partout et que loin de la lame du marin bistouri s'agitent les papillons dans leur ventre.
Face aux impudents babils des peureux téméraires elles ne sont des saintes. Leur nid ne se touche pas comme celui de la Belle au bois dormant qui se la coula douce sous l'édredon des nains.

Sandra Moussempès ne se laisse pas plus séduire par les gentleman farmers du "Bonheur est dans le Pré". Des rubiconds elles soupèsent la bêtise. "Nobody’s here but me" peut écrire la poétesse pour se définir tout autant que ses sœurs.

En filigrane – ou plus – se croisent Cindy Sherman et  Sylvia Plath.  Mais aussi une poupée de porcelaine qui lui ressemble et qu'Annie Besnard, liée à son père et amie d’Antonin Artaud lui offrit. Elle réapparaît bien plus tard en mascotte d’exorcisme, en Barbie à peine défraîchie mais aussi en femme électrique comme Messaline et Salomé.

S'inscrit ici la force collective des femmes, même des plus mythiques comme les plus anciennes sirènes et sorcières sans oublier la soprano Angelica Pandolfini (1871-1959) sa parente qui comme elle a défini le féminin. D'autres égéries perdurent : Lilith, Iphigénie, Artémis, les Emily  (Brontë, Dickinson).
Toutes deviennent des miroirs non de la vie en rose mais de la volonté d'être femme au-delà des traumatismes même si la poétesse ne prétend pas s'en débarrasser au seul titre d'un livre. Certes la poésie est "une forêt remplie de songes précieux" mais la vie n'est pas un songe. Même au théâtre. 


Jean-Paul Gavard-Perret


Sandra Moussempès, Cassandre à bout portant, Flammarion/Poésie, Flammarion, janvier 2021, 174 p., 18 €

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