Entre Ciel et Enfer, entre excellence et plaisir...

Thomas est un chevalier sur les routes de Normandie. Avant que la peste ne frappe la France, avant que les Anglais ne tiennent en échec les Français à Crécy à coup de flèches et de dagues, avant que le malheur ne s’abatte sur le monde, il était un homme d’honneur et de principes.

Qu’il est aisé d’avoir des principes quand tout va bien. Depuis plusieurs mois déjà, il erre avec un groupe de vauriens, bandits de grands chemins sans foi ni loi, ayant tout perdu suite à la trahison des siens. Les heures de gloire de la petite troupe sont hélas derrières eux : la maladie a décimé la bande et ses derniers représentants ne sont qu’au nombre de quatre.

Lorsque dans une grange, ils croisent une fillette, seul un en ressortira au petit matin, laissant deux cadavres et un homme attaché derrière lui : l’aube de l’honneur venait de se produire, celui de la rémission aussi. Sur les chemins d’Avignon, accompagné d’un prêtre aussi humain que les autres, Thomas va devoir escorter la petite fille que ses compères avaient voulu violer.

Il fallait qu’elle survive pour accomplir sa mission. Car une guerre entre le Ciel et l’Enfer est en cours. Les Anges tiennent les portes du Paradis face à l’armée des démons, certains viennent sur Terre aider les hommes, dont la mystérieuse enfant, afin d’affronter les sbires de Lucifer. Et tous attendent que le Seigneur réponde…

 

Buehlman signe un ouvrage des plus remarquables. Pour tout dire, voilà près d’un an qu’une nouvelle parution de Fantasy ne nous avait pas autant passionné, faisant naître ce sentiment si perturbant où, plus les pages s’égrènent, plus le plaisir de la lecture laisse place à la crainte de la fin : que lire après ?

 

Entre Ciel et Enfer n’est pas qu’un simple ouvrage de Fantasy. Il offre surtout un regard sur l’Homme, le monde et la religion juste : les constructions humaines sont faillibles, celles de Dieu ne le sont pas. Qu’importe alors que les « élus » soient faibles tant qu’ils cherchent à faire le bien. Là est l’intérêt de l’histoire : Thomas et le prêtre ne sont pas des parangons de leur temps, de bienheureux héros aux milles vertus. Ce sont des hommes vivant au Moyen Âge, avec leurs qualités et leurs défauts. Mais pourtant Christopher Buehlman arrive à en faire des personnages attachants et réellement vrais : n’y cherchez pas une critique sur la religion dans ce prêtre homosexuel ou un discours plus ou moins socialiste lorsque certains nobles sont décrits de manière grotesques et maléfiques, il s’agit au contraire de montrer la rémission et le pardon.


Pierre Chaffard-Luçon

 

Christophe Buehlman, Entre Ciel et Enfer, traduit de l’anglais (États-Unis) par Alexandra Maillard, Fleuve éditions, 10 septembre 2015, 537 p. - 18,90 €



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