Le Camp de Christophe Nicolas, sans s'enfermer dans les codes...

Cyril, légèrement courbaturé, sort de sa voiture et retrouve Flora. Ensemble, ils viennent de réaliser le déménagement de cette dernière. La maison de La Draille les attend. Marie, l’épouse de Cyril, les rejoindra demain et, ensemble, ils passeront un excellent WE. Voilà la promesse que porte la fin de la journée et la cigarette que le chômeur diplômé en mathématique fume dans le soleil couchant.

Sauf que cela ne doit pas exactement se dérouler comme cela. Car, comme il y a plusieurs années, l’adjudant Francis Le Gall de la Gendarmerie nationale a enquêté sur le cadavre d’un homme petit, à la peau pas le moins du monde bronzé et portant autour du cou un collier des plus surprenants ! Une enquête le menant à se poser une question simple mais aux conséquences énormes : qu’y a-t-il réellement de l’autre côté du grillage ? Du grillage du camp militaire du causse, lieu classé secret défense ?

La conséquence, directe ou non, est tout simplement que tous les habitants de La Draille disparaissent en une nuit sans laisser de traces, sans lutter, sans prévenir. Tous sauf un débile, deux cadavres et un nourrisson… Lorsque Marie arrive et s’en rend compte avec l’aide d’un boulanger, l’inquiétude la saisi. Et ce pour plusieurs mois : le mystère, l’armée, les hommes sépareront ces deux êtres qui s’aiment et n’auront de cesse de se retrouver.

 

Christophe Nicolas, artiste français aux multiples talents, « se joue des codes et des genres » d’après son éditeur. L’idée est tentante et cet axe de regard sur Le Camp est pour le moins intéressant. D’un point de vue stylistique, force est de constater qu’il n’y a rien à redire. Une écriture sobre, efficace, portant parfaitement l’émotion d’un livre que tout semble associer à un film. Les images surgissent simplement, le rythme de l’histoire, les paysages où tout cette aventure se déploie…

 

Ce n’est en réalité qu’un ouvrage très classique. Certes, l’explication, attendue, du mystère si surprenant semble original pendant un temps. À la dernière page, elle laisse plus un goût d’inachevé, le sentiment d’un deus ex machina tombant du ciel et permettant de résoudre le problème d’une manière presque grotesque. Force est de reconnaître qu’il n’y a pas ici de roman transcendant réellement le genre.  Si tant est qu’il reste dans le genre et ne soit pas tout simplement un OVNI de SFFF : hors de toute classification – paranormal semblant parfaitement normal, horreur sans monstre, policier sans réelles enquête, apocalyptique sans fin du monde –, il ne peut se jouer des codes et des genres, il se place tout simplement à côté.

 

Et ce n’est pas plus mal.

 

Si les principes classiques – l’amour, la liberté, la bonté de l’humanité, l’attrait du pouvoir, la vérité des fous, etc. – sont présents, ils le sont sans pour autant être placés sur des piédestaux hors d’atteinte des hommes d’aujourd’hui. Le roman, au final, sonne vrai car il n’est pas possible de voir en l’un ou en l’autre le traditionnel duel de l’ombre contre la lumière, le bon contre le méchant. La nuance éloignant le paysage de carte postale pour réfléchir sur l’humanité. Là est peut-être tout le véritable intérêt du Camp.

 

Seulement il reste ce deux ex machina et son écho un peu faux à nos oreilles…

 

À lire, donc, en jouant, nous, lecteurs, le jeu.

 

Pierre Chaffard-Luçon


Lire aussi l'interview de Stéphane Desa, directeur de collection d'Outre Fleuve.


Christophe Nicolas, Le Camp, Fleuve Éditions, 10 mars 2016, Outrefleuve, 400 p. – 19,90 €

Également disponible en édition numérique chez 12-21.

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