Les vacances avec Julie Wolkenstein : hasard ou coïncidence ?

Tout est vrai, c’est un roman. Rien n’est vrai, c’est une fiction. Les deux affirmations s’imposent à qui voudrait résumer cet ouragan littéraire qui vous emporte en Normandie, de l’IMEC au château du Champ de bataille, mais pas le kitch revu par Jacques Garcia, le désaffecté du début des années 1950, quand Eric Rohmer errait dans l’Eure en quête d’un lieu pour tourner son premier film, tiré des Petites filles modèles. C’est d’ailleurs la comtesse de Ségur qui sera le point nodal du récit.
D’un côté, Sophie, universitaire mondialement reconnue pour ses travaux, en quête d’informations en vue d’un cycle de conférences à Berkeley ; de l’autre, Paul, thésard lunaire qui travaille sur les films disparus tout en essayant de gérer le divorce de son mariage blanc avec une chercheuse russe en physique nucléaire, mais qui ne restera pas, comme la plupart des héros rohmériens, dupe de ses propres raisonnement... Deux contraires qui vont s’épier puis s’unir dans une complicité littéraire et humaine pour tenter de dénouer le mystère de ce film jamais diffusé. Voire jamais terminé.

Entre un producteur africain désabusé et accusé d’agression, des actrices débutantes enclines à la poésie tout autant qu’à l’effeuillage pour des revues coquines, un temps capricieux et un décor en ruines, un réalisateur hésitant et des photos de familles inquiétantes (mais qui est ce bébé liseur ?), la quête littéraire devient un jeu de pistes qui offre au lecteur, en plus d’une captivante aventure, un joyeux voyage dans les contrées normandes et un panel de personnages secondaires forts attachants.
Noué par un jeu d’écriture qui offre les deux points de vue, superposant ainsi le récit de l’une puis de l’un sur des angles différents, l’aspect visuel imprime un déroulé des faits proches du cinéma : Julie Wolkenstein jouant de la profondeur de champ pour peindre ressenti et émotions, décors et ambiances, musicale notamment avec le même amour partagé, au-delà des générations, pour la programmation de Nostalgie.

Léger mais spirituel, aérien mais profond, ce roman scrute aussi la part sombre de chacun des deux protagonistes, mêlant l’histoire personnelle sous-jacente qui transpire dans le projet professionnel de chacun. Prétexte que ce long-métrage disparu, qui a bien existé, lui, avec quelques témoins de l’époque, pour nous offrir un formidable roman contemporain qui me redonne envie d’aller m’isoler une semaine à l’IMEC pour étudier quelques archives inédites…

François Xavier

Julie Wolkenstein, Les vacances, Folio n° 6643, juin 2019, 384 p. – 8,40 €

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