Doggerland ou l’Atlantide du Nord

Le Doggerland est une partie des terres qui reliaient l’Angleterre au continent il y a des milliers d’années, désormais sous l’eau, mais en conflit avec d’autres plaques tectoniques qui ouvrent de sombres jours devant nous selon certains scientifiques qui pensent qu’il n’y aura pas que la faille de San Andrea qui craquera et que ici aussi nous risquons un tsunami extraordinaire qui risque de tuer des millions de gens, d’autant que les Pays-Bas ne sont pas connus pour la hauteur de leurs montagnes mais plutôt de leurs digues, qui face à une telle vague ne résisteront pas. Car à force de vider le sous-sol de son gaz et de son pétrole, les réactions physiques de la Nature seront sans appel, que le pire adviendra tôt ou tard, qu’on puisse au moins le voir et s’y préparer. 

Outre l’aspect fascinant de découvrir ces mondes engloutis et toute la science qui régit les prospections off-shore ainsi que les études menées pour tenter de comprendre, voire d’anticiper, il y a aussi cette histoire dans l’histoire, ces deux amants des années universitaires écossaises, elle la locale de l’étape, et lui le jeune Français venu découvrir le monde de la sismographie marine ; le coup de foudre puis les aléas de la vie professionnelle qui les éloigne plus de vingt ans avant un providentiel colloque en Suède où ils devraient se retrouver si la tempête qui arrive ne va pas s’amuser à brouiller les cartes une nouvelle fois… 

Et cerise sur le gâteau, ce roman est remarquablement bien écrit, un style dense mais fluide – l’ombre protectrice de Saramago veille aux écarts – si bien que l’on dévore les pages dans un plaisir particulier, celui d’apprendre et de suivre avec gourmandise les aléas des personnages ; aussi bien documenté que parfaitement maîtrisé dans la psychologie des héros, Élisabeth Filhol livre un objet littéraire de très belle facture. Preuve supplémentaire que P.O.L est bien le laboratoire de Gallimard, en miroir des éditions de Minuit ; pour ainsi dire les deux seules maisons qui publient encore quelque chose de qualité littéraire digne de ce nom, loin des mercantiles sirènes du divertissement qui jonchent les étals des librairies.  


François Xavier 

 

Élisabeth Filhol, Doggerland, Folio, novembre 2020, 336 p.-, 8 €

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