Sur les pas de Franck Venaille, il est une poésie narrative qui s’ingénie à jongler entre les vers rimés, les textes en prose et les haïkus pour tisser en deux cents pages la vie rocambolesque de Patrocle Passavant des Baleines, lieutenant de vaisseau mais parfois espion voire aventurier intrépide, qui pourrait bien être l’ombre de François Sureau dont le CV est particulièrement bien rempli… Haut-fonctionnaire, militaire, avocat, etc. ce bourlingueur sait aussi se jouer des mots, des rimes et des métaphores pour nous plonger dans une odyssée moderne tapie de clins d’œil et de références… 

Mon cœur cet archevêque 
A des passions quand il fait froid 
Mitré patient bordé d’hermine 
Il est d’ici et d’autrefois 
Ce qu’il attend ne compte pas 
Vienne l’hiver et ses abîmes 

D’un coin l’autre de la planète, du Cambodge à la Yougoslavie, du Liban à l’Afghanistan, casque bleue dans la vraie vie, casque blanc dans le récit, notre héros traverse les lieux et les époques comme d’autres les cordes du temps en se jouant des dimensions. Envoûtante, farfelue, grossière, délicate, fleurie, violente, cette poésie si particulière interpelle son lecteur par son incroyable fraîcheur et sa particularité. Enfin, nous sommes loin des canons contemporains qui célèbrent des auteurs de pacotille qui pensent que couper une phrase au hasard lui donne d’emblée le nom de vers ; or la poésie n’est pas une succession de courtes phrases mais une musique intime et unique, une communion entre la lecture et l’impression qu’elle transmet, l’immersion qu’elle impose, sinon ce n’est que du verbiage. 

Laissez-vous séduire, embarquez pour l’ivresse des mers infinies, la solitude des déserts glacés, le déferlement des obus, la paix des braves et l’insolence des libertaires… Bouffée d’air frais en période confinée : un luxe ! 

François Xavier 

François Sureau, La chanson de Passavant, Poésie/Gallimard, janvier 2021, 224 p.-, 7,50 € 
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