Philo-physiologie de la couleur - Claude Romano

Claude Romano remet les pendules à l'heure s'agissant de la couleur en peinture.
Généralement – et face au dessin et ses diverses géométries "objectives" – elle est dotée d'une valeur subjective sous prétexte qu'elle dépendrait des organes sensoriels. Dès lors le regardeur projetterait à travers elle de pures sensations sur un tableau.

Cette vision est un héritage d'une physique mécanique qui ignorait encore les lois de l'optique plus avancée. Celle-ci a montré que toute couleur est effet de longueur d'ondes. Si bien que d'une certaine manière les couleurs appartiennent au monde tel qu'il est et pas seulement tel qu'il nous apparaît puisque toute couleur crée sa propre onde.

À  sa subjectivité il faut lui préférer comme Claude Romano le réclame son "réalisme". Même si bien sûr sa reconnaissance est aussi un effet de culture et de situations (un Inuit qui vit dans un monde "blanc" le découpe selon des particularités qui ne sont pas les nôtres).

Dès lors pour l'auteur la notion de "peindre une sensation" n'a pas grand sens. Il faudrait préférer quelque chose de plus proche d'un "sentir phénoménal". Et en conséquence si les classifications des couleurs peuvent trouver un certain utilitarisme il convient d'en ponctuer les effets.

Certes tout peintre prend en compte les dimensions émotionnelles et symboliques des couleurs. Et pour comprendre la valeur intrinsèque des couleurs Romano s'en remet à Cézanne lorsqu'il affirme que la couleur est un lieu : celui où "le cerveau et le monde se rejoignent". Dans la "maison" de chaque peintre comme de chaque regardeur. C'est pourquoi vouloir "régler" trop théoriquement la valeur des couleurs n'est à ce titre qu'une vue ou une myopie de l'esprit


Jean-Paul Gavard-Perret


Claude Romano, De la couleur, Folio, janvier 2021, 384 p.-, 8,10 euros

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