Le Chat noir est de retour

Tout le moins dans une anthologie. Ce qui n’est déjà pas si mal. Et aidera à nous faire fera oublier les tances inélégantes du Canard. Entre Charlie et le palmipède, l’extrême-gauche wookée nous gave de mauvaise foi. J’en préfèrerai une indigestion de foie gras… quitte à déplaire au maire de Grenoble, de Strasbourg, etc. Contestataire, oui. Bien pensante, non.

Pour savourer l’irrévérence remontons alors au XIXe siècle. Paris, Montmartre, un certain cabaret où l’on ne se prend pas au sérieux. Dès l’enseigne on sait à quoi s’en tenir. En équilibre incertain sur sa demi-lune en tôle peinte, le matou de l’enseigne d’Adolphe Willette étudie le passant. Le toise. Ses yeux fusillent, son poil se hérisse.
Bienvenue au pays de la bohème où l’on chante, rime, danse. Ici les jeunes gens sont Hirsutes, Zutistes, Jemenfoutistes…
Le journal sera donc à leur image. Riche, piquant, libertaire, apolitique.
Avec une seule maxime, une seule arme : le rire.

Tout le monde est invité à participer.
Nous retrouvons dans cette anthologie 106 textes (nouvelles et poèmes en prose) parus dans le journal entre 1882 et 1895. Humour noir, esprit potache, fascination des femmes, célébration de la mort. Entre les chants et les vapeurs d’alcool, Alphonse Allais, Verlaine, Mallarmé, Lautréamont et leurs amis Paul Signac, Marcel Schwob, etc. vont faire ce medium un grand journal.
Entre l’habileté littéraire et le graphisme moderne qui illustre chaque numéro du Chat noir, préfigurant la BS, la caricature s’affiche en majesté. La revue devient une mosaïque de textes et d’images. Une œuvre magistrale pour comprendre l’époque. À l’opposé d’aujourd’hui où l’on ne doit surtout pas rire de tout, Le Chat noir renouvela le sens de l'humour. Alluma une lueur de modernité pour que la République des lettres et l’académisme en art ne dorment plus sur leurs lauriers passéistes. Et joua un rôle important, même si Dada (Zurich) et l’Oulipo oublièrent trop vite de lui rendre hommage…

Voici donc réparé cet impair. Trop de princes du verbe et d’artistes ayant fuis la route corrompue de la gloire sont demeurés dans l’ombre. Il est temps de les redécouvrir. De jouir de cette comète égarée au-dessus de la Butte. Pour ré-enchanter la nouvelle génération et la soustraire à leur smartphones.

Annabelle Hautecontre

Marine Degli (choix des textes et édition de), Contes du Chat noir, coll. Classique, Folio, octobre 2021, 704 p.-, 9,70 €

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