Des souris des hommes et l’Italie

Durant l’été 2005, dans le petit village de Ravina, la fête se prépare comme tous les ans quand l’inconcevable se produit : Chiara, quinze ans, disparaît. Une décennie plus tard, Sandro, l’un des plus proche ami de la jeune fille, laisse ses souvenirs remonter le temps d’un séjour sur les terres de son enfance. Le monde rural possède ses codes, les paysans vivent avec et pour la terre, ne comptent pas leurs heures, la solidarité n’est pas un vain mot. Ainsi quand les parents du jeune Sandro décèdent dans un accident de voiture, c’est tout naturellement que le meilleur ami de son père le recueille. Force de la nature mais homme soumis sous son propre toit, porté à regarder le ciel plutôt qu’à affronter une discussion endiablée comme savent les mener les Italiennes. 
Giuseppe Santoliquido peint à merveille cette société dans la société, bulle d’authenticité ancrée dans une réalité violente que tentent de percer les aspirations digitales que les adolescents boivent sans répit. Mais le peu de loisirs accessibles (le bar du coin, le ciné-club en ville, les promenades en solitaire) impose une ponctuation du temps sans réelle possibilité d’affranchissement. Même si certaines filles rêvent de devenir des stars de la télé-réalité, comme la cousine de Chiara qui passe ses journées vautrée sur le canapé malgré les récriminations de sa mère. L’été s’invitant, la chaleur incitant les étoffes à se libérer, les émois s’échauffent et les cancans circulent. Rien de bien méchant jusqu’au jour où une lettre anonyme désigne une coupable…  
Il y a l’ombre de Steinbeck (Des souris et des hommes) qui plane dans ce turbulent roman mais c’est pour mieux enlacer le lecteur et le conduire vers un tout autre dénouement. Adroitement déconstruite par le procureur, la trame supposée du calvaire de Chiara se déploie sur un autre angle, tout en préservant le lecteur par une plongée subtile dans ce monde agraire qui n’a rien à envier. La brutalité, la condescendance, l’intransigeance et la bêtise y sont omniprésentes tout comme dans nos villes si fantasmées. Preuve que l’Homme, bête indomptable, dénaturée, vile et dépourvue de toute sagesse, redevient tel qu’en lui-même dès que craque l’une des coutures du costume de bienséance que l’on porte contraint et forcé. Ce gêne du mal absolu qui sommeille en nous, tapi dans l’ombre de l’instant où, contre toute attente, il libèrera sa fougue dans l’impossibilité de se maintenir malgré l’injonction de Camus.  
Roman captivant, glaçant de vérité, témoin d’une évidence… 

François Xavier 

Giuseppe Santoliquido, L’été sans retour, Folio, février 2023, 307 p.-, 8,70 €
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