François Cérésa, Le Lys blanc : Dans les fracas de l’Histoire

Si les Français sont réputés n’avoir pas la fibre de l’Histoire, le succès du roman historique, lui, ne se dément pas. Et ce, depuis des lustres et des lustres. Quasiment depuis les romans antiques chers à Chateaubriand et aux romantiques. Ses attraits sont le résultat d’une subtile alchimie entre fiction et réalité, celle-ci parfois plus romanesque que celle-là. Tout l’art de l’auteur consiste à marier ces ingrédients dans des proportions variables selon son tempérament propre, sans en privilégier un au détriment de l’autre, mais toujours avec le souci de susciter un intérêt constant, sans que l’intensité dramatique soit sacrifiée. Sans perdre de vue la vraisemblance, souvent plus crédible que la vérité elle-même.

 

Dans cet art difficile, François Cérésa est passé maître. Il est le digne continuateur de Hugo et de Dumas, qui ont l’un et l’autre nourri son inspiration. Il se situe dans la lignée de Cécil Saint-Laurent, pour prendre une référence plus proche de nous. Son œuvre multiforme, puisée à des sources diverses d’inspiration, témoigne de son goût pour un genre qui lui permet de conjuguer son attrait pour l’Histoire et son art de camper des personnages créés de toutes pièces. De les faire vivre. Assez riches, psychologiquement. Assez denses pour côtoyer sans le moindre hiatus des héros à l’existence avérée. Au point qu’il est parfois difficile de faire la différence entre ce qui relève de sa connaissance de la période où ils se meuvent et le pur produit de son imagination. 

 

En témoigne Le Lys blanc, dernier en date de ses romans. A mon sens, l’un des plus achevés. L’action se déroule pendant la Révolution, entre la guerre de Vendée et la fin de la Terreur. Quant à son héroïne principale, Marie-Antoinette, fille d’un boulanger de Pornic, devenue Marie (pas question de conserver un prénom qui est celui d’une reine abhorrée !), c’est une femme d’exception dont le caractère bien trempé va se révéler au fil d’épisodes mouvementés. A commencer par la scène initiale, celle qui va engager sa vie et  conditionner son  engagement ultérieur. Servante lors d’une fête donnée dans son château par le comte de La Roche-Pitray, elle est abusée par celui-ci et deux de ses comparses, aristocrates dévoyés. 

 

De ce viol naîtra un fils, Maximilien, son « petit gluant », qu’élèveront dans le secret Papa Roland, le boulanger, et Maman Berthe. Marie, elle, n’a qu’un objectif : quitter sa province, se rendre à Paris pour assouvir sa vengeance et participer au bouillonnement révolutionnaire. Dût-elle, pour ce faire, se travestir en homme. Ayant rejoint le camp des patriotes, voici donc la citoyenne Rayneau, qui passe aux yeux de tous pour un citoyen, assumant les fonctions de lingère, puis de serveuse au Procope, ce quartier général où elle rencontre toutes les grandes figures qui écrivent l’Histoire, les Robespierre, Danton, Camille Desmoulins. Sans compter des femmes d’exception qui partagent ses idées, Théroigne de Méricourt, que l’on surnomme l’Amazone rouge, et Olympe de Gouges avec qui elle se lie d’amitié.

 

L’exécution de La Roche-Pitray, arrêté à Nantes par les patriotes, pourrait mettre un terme aux aventures de Marie. Mais, rebondissement inattendu,  voici que Maximilien est enlevé par un mystérieux bandit masqué. Lequel se fait appeler le « Lys Blanc » et combat aux côtés des Vendéens que commande Monsieur de Charette. Dès lors, un seul objectif pour Marie : retrouver son fils, au prix d’alliances où la politique et l’amour, ce piment indispensable, la plongent au cœur d’aventures aussi haletantes qu’imprévisibles.

 

Traîtrises et agents doubles, batailles et escarmouches. Tous ces personnages, Marie, mais aussi son quasi frère, Julien, fils adoptif de Papa Roland et amoureux d’elle, comme il se doit, ou encore les comparses, habitués du Procope, Charette et les chefs chouans, traversent des épisodes sur lesquels l’auteur a manifestement accumulé une impressionnante documentation. Mais celle-ci n’est jamais pesante. Elle s’intègre avec naturel – tel est l’art du romancier – à un récit mené tambour battant. Une prose allègre. Des dialogues réalistes et percutants. Autant de vertus, de bonheurs d’écriture qui font que ce roman se déguste du début à la fin avec un plaisir extrême.

 

Jacques Aboucaya

 

François Cérésa, Le Lys blanc, L’Archipel, mai 2015, 304 p., 18,95 €


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