"Les murmurantes", trois nouvelles de François Emmanuel qui en font un roman exceptionnel

Voici trois récits enchâssés, révélation d’une autre écriture. En contrepied de Pierre Béarn : l’importance primordiale de la chute, chez le premier, se voit associée, pour le second, à une liaison nouée à la trinité de la forme. Un tout porté dans trois directions différentes qui mènent à la Rome de la révélation. Trois nouvelles qui portent sur les fonts baptismaux l’élégiaque annonce de l’éphémère, servies par un style éblouissant. Cet amour transcendé qui se pulvérise au contact du sol. Météorite brûlant d’absolu qui se consumera, soit dans l’ivresse d’une passion charnelle soit dans la trahison d’une amitié virile, poursuivant alors son périple vers d’autres ilots…


C’est de beauté dont il est ici question. Celle des êtres et des sentiments. Celle du désir, dévastant champs de blé et plans de carrière, réputation et devenir. Trois histoires pour peindre une blessure qui ne peut se résoudre à cicatriser. Dam des hommes qui sont perdus dès la prise de conscience de cette dépendance. Mirage de l’hédoniste qui courra toute sa vie après cette chimère. Que cela soit dans les anciens comptoirs indiens, dans un hôtel de Cagliari ou dans la propriété d’un grand écrivain après sa mort… Poursuivre le fantôme d’une passion, s’entretenir avec l’amant de sa défunte épouse ou veiller sur l’héritage littéraire sont, finalement, une seule et même démarche. Lier dans l’intemporel un fil qui rapprochera les ondes concentriques qui auraient tendance à s’éloigner. Redonner vie, donc sens, au partage d’un moment de grâce.


Pour ce faire, François Emmanuel fait œuvre de limpidité. Par le biais d’une langue riche et légère, il souffle sur les braises. Attise le grand volcan. Bourrasques en tempête d’apothéose pour la dernière nouvelle, qui donne le titre du livre, ponctuant l’entreprise dans un entrelacs d’Aubusson. Poésie romanesque portée dans la musique française pour la seule beauté de l’idiome. Révélé, célébré, amplifié pour que sonnent les cloches jusqu’à Jéricho. La langue de Molière n’est pas morte, du moment qu’on la laisse entre de bonnes mains.


Annabelle Hautecontre


François Emmanuel, Les murmurantes, Seuil, mars 2013, 160 p. – 17,00 €

Aucun commentaire pour ce contenu.