Francis Scott Fitzgerald : fin de partie

Julie Wolkenstein propose une nouvelle traduction du roman le moins connu de Fitzgerald.  L'auteur évoque  la déchéance d’un jeune couple à  la veille de la Grande Guerre  et au début de la Prohibition.  Le romancier taille une rapière au monde. Tous et tout y passe : riches et pauvres, amour, amitié, qualités et ambitions humaines. De même que la démocratie, la pratique des pouvoirs, l'armée, le cinéma naissant.

Le pessimisme est total même si ça et là percent des moments de poésie jaillissent. Mais ils sont vite étouffés dans  New York, ses quartiers, ses saisons. La fête est déjà finie - insouciance et alcool compris. Du couple qui avait tout pour réussir, ne reste que sa dérive et son ratage sous le sceau de la futilité et de l'insouciance au moment où il tombe au plus bas de la société.

La valeur humaine  des deux personnages se transforme au cours du récit. L'homme d'abord brillant sombre dans la paresse et le louvoiement. La femme plus froide devient plus réaliste et émouvante.  Choyée toute sa vie, elle semble accepter son destin et reste loyale à son mari. Et ce avec l'espoir de recouvrer une meilleure vie plus tard sous forme d'un héritage - ce qui lui permet de tenir.

Largement inspiré de la propre vie de Fitzgerald et de son mariage avec Zelda Sayre, ce gros roman un peu bavard par manque de sobriété semblait impliquer une suite. Mais elle ne viendra pas. Quant aux héros, Fitzgerald explique ainsi leur naufrage : "Leur tort n’était pas d’avoir douté, mais d’avoir cru. Ils avaient poussé à l’extrême l’exquise perfection de leur ennui, leur élégante insouciance, leur inépuisable insatisfaction – jusqu’au désastre. Voilà tout."  Et tout est dit de cette décomposition programmée.

La réflexion est toujours profonde au sein d'une factualité romanesque mais non romantique. Elle fait le point sur ne époque et son empreinte  dans les sentiments et actes des héros et leurs comparses. C'est une manière par le tour des détours du destin  de monter - en fagots de traits - la chronique  directe dde  la sortie d'une Belle Epoque qui ne fut telle que pour certains. 


Jean-Paul Gavard-Perret


Francis Scott Fitzgerald, Beaux et maudits, nouvelle traduction de Julie Wolkenstein, P. O. L, mai 2021, 652 p.-, 21,90 €

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