Terreur sainte, Frank Miller en croisade contre le terrorisme...

Empire City, quelques heures avant l’apocalypse. Pour sauver sa ville d’un mal obscur, « l’Arrangeur », héros aussi mystérieux que violent s’en va mener une croisade contre un groupuscule de fanatiques. Flanquée d’une voleuse monte-en l’air hors pair, il n’aura que quelques heures pour empêcher l’inévitable.



Pari graphique gagnant…


On ne présente plus Frank Miller, l’auteur entre autre de Dark Knight Returns, Sin city 300  ou encore Batman Year One. En plus d’être un scénariste hors pair, il s’est affirmé avec le temps comme un dessinateur de talent, le prouvant notamment sur Sin City. Pourtant, cela faisait une dizaine d’années au profit de l’écriture (depuis les derniers épisodes de Sin City en fait). C’est donc avec une certaine impatience, mêlée de crainte, que l’on attendait ce Terreur Sainte avec le retour du maître au crayon.


Pourtant, sur ce point au moins, l’attente a été justifiée, Miller n’a en rien perdu de sa superbe, livrant un quasi sans faute sur le plan esthétique. Œuvre en noir et blanc, Terreur Sainte est une vraie réussite sur le plan formel. La scène d’exposition est d’ailleurs un modèle du genre, Miller offrant un ballet aérien de toute beauté, plus proche de l’iconographie de la culture orientale (une manie chez lui), que des tics graphiques pratiqués par ses confrères du comic book – dont la plupart ont oublié les leçons du maître de Miller, Will Eisner. On retrouve là le sens du découpage de l’auteur de Ronin ou encore d’Elektra assassin. Qui plus est la qualité du découpage insuffle à la lecture un rythme trépidant, simulant l’action en temps réel. L’approche de la violence est plus suggestive et moins outrancière que dans ses précédentes œuvres : le premier degré est moins présent et laisse une plus grande place à l’imagination. Enfin, les pleines pages sont imprégnées d’une véritable force émotionnelle retranscrivant au mieux l’action et les attitudes.


Mais descente aux enfers d’un créateur


Pourtant, malgré ses évidentes qualités esthétiques, Miller ne parvient pas à renouer avec la force des récits qui firent sa gloire. Depuis plusieurs années, on assiste même à une véritable descente aux enfers en terme qualitatif d’un auteur mainstream majeur. Si l’adaptation sur grand écran de Sin City par Robert Rodriguez lui a valu les honneurs du public (on se demande pourquoi d’ailleurs), les initiés n’ont oublié ni sa collaboration désastreuse au scénario de Robocop 2 et 3 ni sa réalisation calamiteuse de The Spirit. Mais son déclin ne s’arrête point au cinéma, car la suite de Dark Knight Returns et son travail sur All Star Batman & Robin the boy wonder lui ont valu les foudres d’un public qui l’adulait jadis. Où est donc passé la plume ambitieuse des années quatre-vingt ? En outre, ses opinions réactionnaires, qui s’affichent de plus en plus dans ses récits, ont fini par agacer ses plus fidèles admirateurs.


Et malheureusement Terreur Sainte n’échappe pas au naufrage scénaristique. Il ne s’agit ni plus ni moins que du projet rejeté il y a quelques années par DC Comics, Batman vs Ben Laden. L’Arrangeur – The fixer en VO - est une pâle copie du chevalier noir et sa comparse de Catwoman. Outre un scénario aussi épais qu’une feuille de papier (il faut empêcher les terroristes de nuire..) et un script des plus grossiers, Miller défend sans vergogne une idéologie tendancieuse et nauséabonde, teinté de racisme anti musulman. Son héros pourfend allègrement des islamistes, ceux là-même qui corrompent sa ville. Ben voyons…Pathétique.


Terreur Sainte est un parfait exemple de contraste artistique, fresque au fond aussi peu subtil que sa forme est gracieuse. Dans ma jeunesse, j’ai découvert Frank Miller avec passion, grâce à son travail sur Daredevil. Où est donc passé l’auteur génial qui a révolutionné le comic book avec Alan Moore dans les années quatre-vingt ? Sûrement disparu à Sin City…


François Verstraete



Frank Miller, Terreur sainte, Delcourt, septembre 2012, 112 pages, 25,50€

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