Le printemps des Arabes : Le sang des hommes libres

Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, en Tunisie, des policiers confisquent sa balance et sa charrette à un marchand ambulant, jeune, innocent, qui faisait vivre de son petit commerce une mère et six frères et sœurs. Mal leur en prit. Le tyran dut maudire plus tard ces policiers stupides, car ce garçon nommé Mohammed Bouazizi s'immola par le feu. Ce fut le début d'une immense révolte.


Le sacrifice de Mohammed Bouazizi provoqua des émeutes qui finirent par gagner l'entièreté de la Tunisie, et l'on sait que le tyran dut s'enfuir en Arabie Saoudite.

En Égypte, après d'incessantes émeutes, le tyran tomba réellement malade et parut à son procès sur une civière.

En Libye, après des mois et des mois de guerre civile, le tyran fut tué par le peuple fou de rage.

En Syrie, pendant la guerre civile, Mazzar Tayyada, âgé de 23 ans, abandonna ses études afin de poster des vidéos sur les massacres de Homs, après que le tyran eut fait torturer et assassiner des dizaines de civils. Rami Al-Sayed, âgé de 26 ans, mit pour sa part en ligne des centaines de vidéos du supplice de Homs et périt dans un bombardement le 21 février 2012.

En Arabie...

À Bahrein...

De nouveau en Syrie...

En Tunisie...


On n'en finirait pas d'énumérer les nombreux événements réunis sous le nom de « Printemps Arabes », que Jean-Pierre Filiu et Cyrille Pomès ont la sagesse de rebaptiser « Le Printemps des Arabes », tant sont grandes les différences entre les pays concernés. Très rapide, leur récit (Filiu au scénario et au texte, Pomès au dessin et à la couleur, tout deux excellents) est découpé en chapitres brefs : on revient parfois sur la situation dans un pays, on reparle de Jebali parti de Tunisie afin de réclamer Ben Ali à l'Arabie Saoudite et revenant les mains vides, et on nous rappelle aussi que des prisonniers politiques, en Arabie Saoudite, sont détenus sans jugement, tels Hamza Kashgari, dont on ne sait ce qu'il est advenu.


Ce n'est pas un reportage en bande dessinée facile à lire, car on est bien obligé d'y raconter beaucoup de violences, d'arrestations arbitraires et de tortures, mais c'est une piqûre de rappel fort utile pour comprendre l'histoire récente. Mieux encore, la précision remarquable du texte de Filiu et la force terrible des dessins aquarellés de Pomès en font un ouvrage précieux, que l'on aurait envie de conserver en parfait état durant nombre d'années. Heureusement, les solides et superbes couvertures cartonnées de Futuropolis peuvent nous le permettre.


Même foudroyants, ces reportages sont de ceux que l'on garde. Le sang des hommes libres a séché entre leurs pages.


Bertrand du Chambon


Jean-Pierre Filiu et Cyrille Pomès, Le Printemps des Arabes, éditions Futuropolis, juin 2013, 110 pages, 18 €.

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Je vais faire un peu gardien zélé de cette rubrique mais, encore une fois, cette critique (intéressante au demeurant) ne relève pas de l'Histoire mais de la bande dessinée, avec un zeste de reportage journalistique...