Juliette Brevilliero : éclipse et laps

Par la verve de ses poèmes, Juliette Brevilliero lutte contre la nuit de l'inconscient. Elle en secoue les arcanes, en défait les draps froissés. Ce qui nous étreint prend soudain une dimension ludique. Les fées de la forêt des songes de celle qui devient la rêveuse insomniaque.
Elle entame une danse tout sauf macabre. 

L'ode devient épopée dans la cavalcade des vocables qui forcent le noir. Voici le big bang de mots. Il vampirise ce qui boit le sang, rature l'existence. C'est tout autant  le bal des mots dits pour un bain de jouvence. Au milieu des miasmes et des douleurs surgit ce continent féerique face au noir qui étreint. Et qu'importe si les historiettes de l'amour ne donnent pas à l'auteure tout ce qu'elle était en droit d'attendre.

Le verbe en ses navettes l'éteint, enfante des planètes et tente de remiser les ombres chères aux romantiques allemands. La musique des vers tient à distance ce qui est sinistre et oppressant. Certes Juliette Brevilliero ne prétend pas faire parler in extenso l'inconscient. Néanmoins une langueur verlainienne titille et dérange la raisonnante raison.

Existe là une berceuse  bien douce mais acidulée des anges habités de démons. Et ce, en une liberté de paroles savamment et astucieusement agencée. C'est comme si, à la nuit, la poétesse dérobait la clé. Elle n'est plus prisonnière de son propre nocturne. Elle ouvre une fenêtre au tréfonds de la psyché.

Le chaos intérieur en devenant sonore esquisse un ordre et une clarté. Tout est donné à voir par une suite de vignettes existentielles ou fantastiques qui à défaut de lumière offrent un éclairage. Et il convient de se laisser happer par une telle mélodie en fragments. L'inconscient y acquiert une perméabilité. 

Preuve que le matin noir (l'inconnu ignorant l'aube) se trouve saisi par des malentendus dans la coquille des poèmes. Car c'est par eux et en leurs actes manqués mais parfaitement accomplis que l'inconnu en nous prend les couleurs nacrées de sa phosphor-essence.

Jean-Paul Gavard-Perret

Juliette Brevilliero, Le jeu de la nuit, Galilée, février 2022, 94 p.-, 11 €

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