"L'état du ciel" - Un petit miracle de Pierre Péju

«Le ciel s’ouvre. Le hasard fait –mais est-ce la hasard ?- que là bas, tout en bas, dans une maison construite à flanc de montagne, surplombant un lac dont les reflets font paraître le ciel le plus beau, j’aperçois une femme endormie. Le jour se lève. Le coton  de sa chemise de nuit fait une vive tache blanche au centre de ma vision angélique. Elle est seule dans son lit. Allongée dans son désespoir et ses draps froissés. Je me dis que je pourrais peut-être faire quelque chose pour elle….. Mais quoi ? Comment m’y prendre ? Loin au- dessous de moi, dans cette région du monde, l’été est déjà bien avancé. La femme va s’éveiller, retrouver son chagrin quotidien. Je vais l’observer, et j’aviserai…

 J’ai l’éternité devant moi. Mais pas elle. »

 

Pierre Péju n’a rien d’un nouveau venu sur la scène littéraire : issu d’une famille de libraires d’origine lyonnaise, Pierre Péju a collaboré à divers journaux et revues dès 1971. Philosophe, romancier, essayiste, il a édité quelques ouvrages dans la collection Romantique des éditions Corti en tant que spécialiste du romantisme allemand. Beaucoup plus récemment, il a  publié chez Gallimard plusieurs ouvrages remarqués et remarquables comme La petite chartreuse qui a reçu le prix Inter en 2003 et qui a également été adapté au cinéma, Le Rire de l’Ogre, prix du Roman de la FNAC en 2005 ou encore  La diagonale du vide en 2009. En cette rentrée littéraire, il revient avec son nouveau roman,  L’Etat du ciel.

 

Au ciel tout va mal : un sentiment d’impuissance règne chez les anges qui s’interrogent. Dieu est-il mort ? Est-il malade ? Ou se détourne-t-il tout simplement de sa création ? En attendant, les anges sont livrés à eux-mêmes et leurs pouvoirs s’émoussent.  Parmi eux, Raphael cherche encore le moyen de réaliser ne serait-ce qu’un petit miracle. Penché au- dessus de la terre, son regard est attiré par une maison construite sur le flanc d’une montagne au bord d’un lac. Dans cette maison, il aperçoit une femme endormie, Nora. Encore absente au monde, elle va se réveiller et replonger dans le désespoir qui est son quotidien depuis six ans, depuis l’assassinat de son fils. Artiste reconnue, elle erre dans la forêt et passe son temps à créer d’étranges monstres de bois et de poils, oscillant entre génie et folie. A ses côtés, son mari, Mathias, médecin humanitaire, reste impuissant devant cette douleur qui éloigne chaque jour un peu plus  de lui la femme qu’il aime. Deux sujets parfaits pour le dernier baroud d’honneur d’un ange en mal de miracle.

 

Sorte de Road novel,  L’état du ciel est donc le parcours croisé d’un couple et d’un ange, chacun cherchant à sortir la tête de l’eau. Raphael est désabusé par l’indifférence divine et n’en peut plus de voir les dieux et les anges dépérir. Pour se sauver de ce marasme, il ne désire qu’une seule chose : réaliser un dernier miracle. Un dernier espoir, un dernier miracle lors d’un dernier voyage. Ce voyage concerne aussi Nora et Mathias : chacun à leur manière, l’un par la fuite, l’autre dans la poursuite, cherche à se reconstruire en retrouvant un espoir qu’ils pensaient perdu.     Parcours initiatique, L’Etat du ciel  fait  partie de ces livres qui font du bien : pas parce qu’il raconte une histoire de femme un peu niaise mais parce qu’il montre la possibilité, quand tout va mal, que cela s’améliore si l’on y met du sien. Cet espoir est  d’autant plus transposable si l’on considère non l’état du ciel mais l’état de la terre. Catastrophes naturelles, crise économique et sociale, dérèglement climatique : autant de raisons qui font que nous aurions bien besoin d’une petite dose d’espoir supplémentaire.  L’état du ciel  est donc un petit miracle de la rentrée littéraire.

 

 Julie Lecanu

 

Pierre Péju,  L’Etat du ciel,  Collection Blanche aux éditions Gallimard, août 2013, 253 pages, 18,50 euros.

 

Parce qu’un auteur parle toujours bien de son livre :

Pierre Péju présente L'état du ciel

 

 

 

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