Les Possibles futurs de Guillevic : voir l’Homme autrement

Ce recueil regroupe des publications à tirages limités, éditées entre 1986 et 1995, le plus souvent accompagnées d’interventions d’artistes. C’est aussi le vingt-deuxième recueil que Guillevic (1907-1997) publie dans la Blanche, et le dernier de son vivant… Poèmes testaments ? Pas seulement, car cet esprit de lutte habite le poète depuis toujours, et ce n’est pas le grand âge arrivant qui le (dé)motive. D’ailleurs sa poésie regarde plutôt vers le commencement, en ces temps de crépuscule, comme s’il voulait boucler une révolution qui se révèlerait bien amère. Communiste par humanisme, il resta tout de même fidèle au parti jusqu’en 1980.

 

Révolution donc et circonvolution aussi, le tout dans un seul et même mouvement régulier, perpétuel, d’un irrévocable possible dans la fraîcheur ressuscitée du vécu, cette promesse d’une plénitude, évoquée, fuyante, mirage désespérant qui impose des efforts pour tenter de vivre l'ultime utopie.

Et bien malgré lui, Guillevic restera celui qui continuera à y croire, foi de poète, malgré ce siècle qui décline, le libéralisme qui abrutit peuple et pays, asservit toute la planète et vampirise les esprits. Si l’aventure marxiste a failli, Guillevic persiste à évoquer les principes inaliénables de la justice, de l’égalité et de la solidarité. Il rêve, il attend, il aspire à des jours meilleurs, et veille à ce que tout ne tourne pas au cauchemar, rappelant ici et là quelques évidences…

 

Courts et piquants, les vers de Guillevic frappe l’oreille tout aussi bien que l’esprit, scandant le juste mot en la claire note, tempo singulier qui est son signe particulier : jeu des échos dans la résonance clandestine d’expressions lapidaires qui ornementent le poème.

Il pose ainsi l’équation de l’être dans la souveraine constance d’une pauvreté matérielle qui ouvre bien mieux les portes de l’esprit que s’il avait les poches cousues d’or.

Guillevic nous invite à la méditation sur l’idée même d’exister :


je dis ! / Que nous sommes.


Et ainsi, à pouvoir oser nous poser la question de ce que nous sommes réellement derrière nos masques de circonstance.

Ivre seulement d’exister.

 

François Xavier

 

Guillevic, Possibles futurs, préface de Michaël Brophy, Poésie/Gallimard n°432, janvier 2015, 208 p. – 7,10 €

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