Hartung, peintre mais aussi… légionnaire

Jusqu’au 28 août 2016, Aubagne célèbre le légionnaire Hartung, peuchère !

Deux expositions se tiennent au Musée de la Légion étrangère, et au Centre d’art des Pénitents noirs. Oui, l’on peut être Allemand et combattre l’Allemagne, surtout quand c’est Hitler qui dirige le pays. Ainsi il en est allé du destin d’Hans Hartung qui s’engagea dans la Légion étrangère contre les armées du Reich. Il y laissa sa jambe droite, mais ne renonça en rien à ses idéaux. Sa volonté le poussa vers les sommets, jamais une plainte, jamais une allusion à ce membre manquant, sauf peut-être le petit clin d’œil qu’il lançait à Kijno au retour de leurs joutes nautiques, à Antibes, quand l’invalide terrassait à chaque fois le Polonais essoufflé qui n’en revenait pas de s’être ainsi fait battre à la régulière…

 

Une force de la nature, ce Hans, quêteur insatiable de formes et de sensations, refermant telle période dès que la maîtrise technique risquait de tuer l’âme créatrice pour s’en aller vers d’autres outils, d’autres formats, d’autres techniques… Aquarelles, tempera, acryliques, voire machineries infernales (il ira jusqu’à utiliser celles de Tinguely, la numéro 9) , tout est bon pourvu que survienne la révélation, cette peinture abstraite, dégénérée disaient les nazis, mais si puissante, s’ouvrant sur d’autres mondes, infinis.

 


Bernard Derderian, expert de lœuvre dHans Hartung évoque sa collaboration avec l'artiste et revient sur sa soif et son urgence de créer...


Retiré à Antibes, « enfermé » par deux hectares d’oliviers, la maison et l’atelier seront plus qu’un havre de paix, la maison de la création. Nous ne connaissons pas réellement Hans Hartung, bloqués que nous sommes sur telle ou telle période, le plus souvent ces années 1960 ; mais qui a déjà vu ces aquarelles si colorées, peintes dans les années 1920 ? ou ces immenses toiles des années 1980 ? avec entre les deux, ces portraits de profil, et ces grands rectangles cubistes…

Toute sa vie, Hans Hartung a été habité par une énergie hors du commun, une exigence et une aspiration à l’art qui ne peuvent être comparées qu’aux plus grands artistes du XIXe siècle. Avec sa rigueur et une implacable ténacité, il a maintenu le cap d’une œuvre abstraite – à l’exception de ces « têtes » : un acte politique, avant tout, un salut aux sculptures de Julio Gonzàlez en y associant le Picasso de Guernica, admiré à l’Exposition universelle de Paris, en 1937.

 


Elsa Hougue, responsable de la communication de la fondation Hartung Bergman à Antibes, présente les missions de cette institution et évoque le corpus d'œuvres d'Hans Hartung qui sera exposé au centre d'art les Pénitents noirs et au musée de la Légion étrangère d'Aubagne du 16 avril au 28 août.



Il faut savoir éprouver la peinture d’Hartung, lire la désincarnation de l’œuvre, désobéir au premier instinct, laisser le regard aller ailleurs, plonger dans le gouffre. Plonger son corps dans l’expérience ! Car c’est, selon Hartung, le prix à payer pour connaître enfin ce que mourir veut dire : cette longue, jubilatoire, terrible vaporisation de soi que nulle centralisation ne viendra plus interrompre. Être dans la peinture, être peinture.

Tout est là.

 

« Le nom d’Hartung s’auréole d’une légende colportée un peu partout : ce fils d’un chimiste de Leipzig, du toit de la maison paternelle, cherchait à lire son destin dans les étoiles : le lycéen de Dresde jetait, en marge de ses cahiers, d’instinct rapide et sûr, les signes étranges, premiers chaînons d’une relation nouvelle entre l’homme et le monde ; le soldat de la liberté préférait enfin la Légion étrangère à l’asile new-yorkais et payait le prix du sang l’attachement qu’il porte à la patrie qu’il s’est choisie. »

Pierre Restany, Prisme des arts, 1986



 

Ce très bel album, original tant dans sa conception – reliure suisse, intercalaires rigides qui rythment les périodes – que dans sa palette graphique et les textes pertinents qui accompagnent, ponctue un hommage mérité à un peintre hors du commun, un homme libre comme Camus aimait à l’entendre…

 

 


Florilège des œuvres d’Hartung

 

 

François Xavier

 

Fabrice Hergott (sous la direction de.), Beau geste : Hans Hartung, peintre et légionnaire, 220 x 260, broché & reliure suisse, 120 illustrations, Gallimard/Fondation Hartung-Bergman, avril 2016, 160 p. – 29,00 euros

 


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