La révolution culturelle nazie, une analyse stimulante

Un jeune spécialiste du nazisme

 

Comme on ne compte plus les spécialistes du nazisme depuis les années 60, on se doit de noter quand l’un d’entre eux se détache du rang : Johann Chapoutot est clairement l’un d’eux. Professeur à la Sorbonne, il s’est fait remarquer du public par deux ouvrages : le premier, Le National-socialisme et l’Antiquité (Quadrige, 2008) revenait sur la relecture de l’Antiquité gréco-romaine par les nazis ; il y eut ensuite La loi du sang, penser et agir en nazi (Gallimard, 2014),  plongée dans les tréfonds des conceptions nazies, qui marqua le public des amateurs. Lorsqu’un nouveau livre de Chapoutot sort, il y a donc aujourd’hui clairement une grosse attente.

 

Une relecture de la culture nazie

 

Compilation d’articles refondus pour donner un seul ouvrage, La révolution culturelle nazie prolonge les approches proposées par Johann Chapoutot dans ces deux précédents ouvrages. Pour les séides d’Hitler, les germains vivaient originellement dans un état proche de la nature, étaient polygames et  fidèles à leur communauté. Les juifs et le judéo-christianisme ont corrompu les Anciens et le nazisme se propose de revenir à cet état antérieur tout en « faisant coïncider à nouveau culture et nature ». Reste que les nazis ne font pas table rase du passé : l’antiquité gréco-romaine est germanisée, Platon et Kant sont relus et refaçonnés selon les canons nazis (quitte à distordre leurs idées). On verra donc par exemple Eichmann se revendiquer de Kant et de son impératif catégorique.

 

Une civilisation préparée à l’irrémédiable ?

 

Les nazis ont réécrit l’Histoire, la Philosophie et le droit afin que la nouvelle Allemagne corresponde à leurs vœux. En ce sens, ils ont effectivement provoqué une Révolution culturelle, expression empruntée à la Chine de Mao, qui a bouleversé la société allemande. Pour Chapoutot, le but était de préparer la guerre à l’Est, de formater les esprits et de donner des soldats impitoyables. On réduit les juifs à des bactéries nuisibles, devant être éliminés (cf l’article « Contamination et extermination ») afin de sauvegarder la « santé » du corps allemand. Glaçant. La pertinence des conclusions de Chapoutot font de cet ouvrage un « must » de ce début d’année.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Johann Chapoutot, La révolution culturelle nazie, Gallimard Bibliothèque des histoires, janvier 2017, 285 pages, 21 €

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