J’aurais un royaume en bois flottés, l’anthologie personnelle de Nimrod

Sable, lumière, ondulations dues au vent, éclats d’argent sur la mer ocre qui s’étend à perte de vue, nuit éclatante d’étoiles infinies, ici le reg impose sa loi d’airain, ici l’infini se touche des doigts, se cristallise dans les os ; il y a comme une désespérance… Naître dans cette partie du Tchad convoque un destin figé à moins que les semelles de vent que l’enfant aura chaussées ne le porte en d’autres contrées. Ce fut le cas de Nimrod, fils de pasteur luthérien du pays de Kim qui parlait déjà quatre langues à l’âge de huit ans, parti pour la grande ville étudier, puis de là enseigner à Abidjian ; puis à Paris, aux États-Unis, etc.

Poète, essayiste et romancier, Nimrod aborde souvent le thème de la guerre mais de manière détournée, laissant planer son ombre plutôt que de montrer ses ravages. Ses écrits sont pleins d’une profonde pudeur, interrogeant les écarts que l’Histoire impose aux Hommes dans les malversations des faits.
Surtout, il tord le cou à ce que l’on attend de lui, l’écrivain africain, et s’ouvre un chemin dans les ronces de l’inédit, de l’interdit coupant les hautes herbes de la littérature, réinventant la négritude en chassant hors des chemins de l’exotisme attendu.

Ma route est sûre
entre l’inespérance
et la béatitude

 

C’est une poésie transversale, passerelle entre deux mondes tendue par un exilé qui est un apatride à vie.
Les premières pages de Babel, Babylone, recueil dont Nimrod a souhaité la reproduction intégrale dans cette anthologie, sont des plus significatives. L’idée d’un retour à la terre natale – où vit encore sa famille – est ressentie comme un deuil tant son exil lui impose le sentiment d’être étranger en son propre pays. Mettre le pied sur la terre de son enfance le met en danger de mort : Peine capitale est à prendre au pied de la lettre…
Lui, le paysan sans pays conçoit la mémoire comme l’outil d’avenir. Il la force à réinventer l’axe du temps pour que chaque jour soit une envolée joyeuse, un nouveau décor à construire, une inspiration à sceller par les mots dans un nouveau poème.

 

L’azur soutient la transparence.
Le marais les roses
liserons tendus vers le ciel
où monte notre louange en
verre pilé

 

François Xavier

 

Nimrod, J’aurais un royaume en bois flottés – Anthologie personnelle 1989-2016, préface de Bruno Doucey, Poésie/Gallimard n°522, mars 2017, 256 p. – 7,30 €

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