Les "dérives" de Sylvain Prudhomme

 

L’effet de sérieux du livre - à la fois dérive et monde - de Sylvain Prudhomme est cassé par différents biais où se loge l’humour de gestes marginaux. Une satire médiatique passe par la perte d’un voilier muet (Le Furtif) dont on ne sait pas d’abord pourquoi il doit être pris en charge. Manière d’exprimer comment se dit la disparition là où personne ne parle en première main. Au témoignage direct d’un narrateur se substitue par exemple  un projet photographique au ras du sol dans le journal d’une scientifique japonais.

Existe là un manifeste utopique et ironique par la recherche du bateau de ceux qui deviennent des coqueluches médiatiques par ce qu’ils veulent changer - incidemment ou non -  la et leur vie sans s’adresser à nous et en allant jusqu’au bout des îles de l’incertitude qui s’approchent :  "A présent tout était vide, désert, pulvérisé par l'intensité de lumière. Ne restaient que les rochers, la mer, le ciel".  

Sylvain Prudhomme esquisse des destinées réinventées par leur sortie des vies mondaines. Mais au lecteur de reconstituer le puzzle de leurs périples à l’ombre d’une affaire mystérieuse qui ressemble à une fuite  radicale.

Pour autant nuls héros dans un tel livre : ils ne cherchent aucunement à reconstruire un monde mais tentent d- ’occuper pour passer le temps - un espace minuscule, au nom du concept d'"anarchitecture". Dès lors de livre vaut par les commentaires de tels comparses. Tout est soumis au doute et à la contradiction. Cela  nourrit le livre réédité, à bon escient, aujourd’hui.

Jean-Paul Gavard-Perret

Sylvain Prudhomme, L'affaire Furtif, (Nouvelle édition), Collection L’arbalète / Gallimard, Gallimard, 2018.

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