Tatoué ou tatoo ? Au Japon on ne rigole pas avec la tradition

On en croise de plus en plus. On en voit partout. Sur les chevilles. Les poignets. Les avant-bras. Les épaules. Le dos… Les nouvelles générations se portent de plus en plus vers la peinture sur la peau. Ce tatouage qui nous vient de l’Extrême-Orient. Du Pacifique et du Japon. Mais dans l’île être tatoué relève d’abord d’une idée. D’une spiritualité. Et là-bas comme partout, les jeunes tatoueurs sabotent le travail. Oublient les règles. Négligent la tradition… Car la créativité ne fait pas tout. Sans l’esprit du tatouage la peinture n’a que peu d’intérêt.

C’est donc bien au tatouage traditionnel que s’attache ce livre. Le tatouage qui reste étroitement lié au monde de l’ukiyo-e, à ses attaches dans l’histoire sociale du pays. Le Japon a hérité de l’un des arts du tatouage les plus élaborés au monde par la richesse de son iconographie. Par l’équilibre de ses compositions. Et surtout grâce au raffinement de ses maîtres qui excellent dans l’art du détail.

Or, aujourd’hui encore, alors que le tatouage gagne de plus en plus d’adeptes de par le monde, il est encore victime de préjugés tenaces. Parce que les yakuzas en portent, les tatoués sont ostracisés. Piscines publiques, bains, clubs de sports, sources thermales, etc. leur sont interdits… Mais on attend avec impatience les JO de 2020 à Tokyo. Avec la venue des athlètes étrangers, ces établissements vont devoir assouplir les règles. D’autant que les nouvelles générations y succombent, comme en Occident.
Ce qui crée un drôle de mouvement de mutation. Les maîtres n’étant pas solidaires, il n’y a pas de mouvement contestataire. Seulement un constat. La tradition recule. Faut de successeurs.

Les techniques traditionnelles sont délaissées. De nouvelles contraintes surgissent en raison du renforcement des contrôles. Le grand art du tatouage japonais est sur le déclin.
Un comble pour le pays qui l’a vu naître.
Surtout quand on voit que dans le reste du monde il stimule de nouveaux talents…

Les femmes ne sont pas en reste. Les très belles photographies pleine page qui illustrent cet album montrent des corps entièrement tatoués : pivoines sur le devant, scène d’une divinité dans le dos. Tout le corps est peint, seins, fesses, pubis… certaines ont des compostions aérées ; d’autres sont entièrement recouvertes, ne restent que le tour de cou, les poignets…
Un livre pour le plaisir des yeux. Et peut-être incitera-t-il celles et ceux qui hésitent encore à sauter le pas. Sachant qu’il faut du temps. Et supporter la douleur…
Sinon il reste les décalcomanies…

Annabelle Hautecontre

Philippe Pons, Le corps tatoué au Japon, 190 x 240, cartonné, Gallimard, septembre 2018, 160 p. –, 25 €

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