Pour sauver sa mise éditoriale, un jeune homme - abandonné par sa mère - ne s'en soucie guère jusqu’à ce que l’éditeur de son roman - qui lui a payé une forte avance - veut le poursuivre en justice eu égard à cet abandon qui soudain l’action lui empêche d'écrire le roman qu'il avait prévu. Celui-ci propose alors à l’éditeur un projet croustillant : son « tout sur ma mère ».

Mais ne sachant rien sur elle il commence son enquête. L’objectif original a pour but de la dégommer. Mais la reconstitution entraîne un lot de surprises et de révisions. De la Norvège des années quarante eu Middle West des années soixante, des émeutes de Chicago en 1968 au New York post-11-Septembre et jusqu’à l’Amérique d’aujourd’hui et de ses démons. Sa «pastorale américaine» prend une saveur particulière.

Le livre est bourré de verve. Et le héros qui voulait achever une mère taxée de hippie radicale et d’enseignante prostituée, ne va pouvoir embrayer sur la vindicte populaire en dépit du rejet compréhensible qu’il caresse envers la si peu maternante "Calamity Packer". L'ensemble entre l'étrange et le merveilleux qui vacillent dans le bitume et le souffre.

Dès lors les poncifs et prédicats tombent. Cela permet à l’auteur de dresser un portrait cruel de son pays. Le choix des mots, le sens de la scansion labourent les apparences. Tout devient intelligent et drôle entre grande et petite histoire. La vérité de principe ou l’apparence présupposée en cache bien d’autres.

L’auteur montre comment tout ce qui s’écrit revient à légender le réel selon des choix qui répondent le plus souvent à ce que le monde veut voir ou entendre. Les personnages de fiction mêlés aux êtres réels - célèbres ou anonymes - donnent de l’Amérique une image aussi quasi tragique que drôle dans des passages de franc burlesque. Les aigrefins sont pléthoriques jusqu'à la rencontre de la mère et de son fils.

Jean-Paul Gavard-Perret

Nathan Hill, Les fantômes du vieux pays, traduction de l'anglais (USA) par Mathilde Bach, Gallimard, 2017