Chefs-d’œuvre chez Picasso ?

Voilà une approche amusante, tant l’œuvre du maître catalan en compte, des chefs-d’œuvre ! Au point qu’il fallut faire venir du monde entier certains tableaux. Ce qui nous démontre, après l’exposition du musée d’Orsay, la richesse du fonds. Et nous offre de voir pour la première fois certaines toiles. On pourra aussi gloser sans fin dans des débats dignes des dîners en ville : mais sur quels critères se baser pour affirmer péremptoirement que ceci est un chef-d’œuvre. Et pas cela. L’année ? Le sujet ? Le prix de vente ? Est-ce le critique qui fait le chef-d’œuvre ou le collectionneur ou le public ? Mais les chefs-d’œuvre, dans un musée, ce sont surtout les tableaux inscrits sur la liste secrète que les équipes de sécurité ont avec eux en cas de sinistre. Ces sont les tableaux qui sont protégés en premier. La liste est souvent secrète. Elle ne circule qu’entre conservateurs. Et ne tient pas forcément compte de l’accrochage. Mystère…
Mais si Picasso est un génie, il n’aurait fait que des chefs-d’œuvre, non ? Alors, quid ?

Si l’œuvre répond à une nécessité qui la dépasse (Malraux), le génie ne crée pas systématiquement des chefs-d’œuvre… Nonobstant, Picasso garda tous ses brouillons, esquisses, dessins, accumulant plusieurs centaines de milliers de pièces. Dont une partie forme la collection extraordinaire du musée Picasso-Paris. Il y aurait donc des chefs-d’œuvre inconnus ? La nouvelle de Balzac sous nos yeux ébahis – illustrée par Picasso, d’ailleurs, en 1931 ?

Il aura donc fallu faire une sélection. Des premières réflexions de l’artiste jusqu’à l’influence de la réception critique. Cette exposition met en lumière les circonstances qui ont contribué à ériger chaque œuvre. Chaque série.
Au-delà de leur incroyable diversité. Pour en faire des icônes…

L’histoire débute en 1897. Picasso a seize ans. Il vient de peindre Science et Charité. Suivant un thème en vogue à l’époque : la visite au malade. Première exposition à Madrid, une mention honorable. Et une médaille d’or à l’exposition de Malaga. Premier chef-d’œuvre ou œuvre de jeunesse ? Considéré comme un chef-d’œuvre a posteriori car il s’agit de Picasso ?

En plus de l’exposition, ce volumineux catalogue qui combine essais et une riche iconographie, répondra à vos questions. Car de 1897 à 1972, il y aura des formes, des chèvres, des baigneuses, des petits papiers… et aussi une tortue, un cupidon, des taureaux, un nu provoquant et une colombe. Picasso n’aurait-il pas agit pour que l’on associe sa vie à l’idée de chef-d’œuvre ? Cocteau l’a sans doute compris parmi les premiers (ses lettres en témoignent). Malraux l’a vu et l’a écrit. Le public a plébiscité la colombe comme signature universelle de l’artiste.

Annabelle Hautecontre

Coline Zellal (sous la direction de), Picasso – Chefs-d’œuvre !, 300 illustrations couleur et N&B, Gallimard, septembre 2018, 320 p. -, 42 €
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