Mona Ozouf lectrice de George Eliot

Mona Ozouf fit comme beaucoup d'entre nous : primo lectrice adolescente de George Eliot elle prit la romancière pour un homme avant de trouver dans la britannique et comme Henry James avant elle (mais ils ne sont pas les seuls) une créatrice paradoxale. Notre contemporaine la définit avec justesse comme "athée religieuse, conservatiste de progrès, rationaliste éprise de mystère".

Si George Eliot se cache derrière un pseudonyme c'est pour ne pas souffrir de l'ostracisme que l'époque accordait aux femmes lorsqu'elles osaient se mêler d'écrire. Mais il existe sans doute dans se choix des ressors plus profonds encore.

En tout état de causes et d'effets - et Mona Ozouf le souligne - existe dans l'œuvre une force qu'on accorde généralement aux hommes - même s'il s'agit d'une vue de l'esprit - quant à la capacité de se frotter autant à l'histoire qu'à la fiction.

Se mêlant de ce qui ne regardait pas les femmes - du moins selon certains fumeux diktats - George Eliot crée des fictions qui se nourrissent moins de romantisme (c'était pourtant l'époque) que du monde tel qu'il était et qu'il changeait en un pays en passe d'affirmer sa puissance sur le monde.

Mona Ozouf re-contextualise astucieusement l'œuvre de celle qu'elle admire afin de souligner ses questionnements politiques et sociaux. Ils n'ont rien perdus de leur pertinence. A ce titre son œuvre romanesque est plus forte qu'une autre auteur masquée : George Sand. Chez cette dernière il vaut mieux - afin de comprendre sa propre impertinence - relire sa correspondance.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Mona Ozouf, L'autre George. A la rencontre de George Eliot, Gallimard, octobre 2018, 256 p., 20 euros
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