Profession : fils

Il y a réciprocité. Toujours. La vie est ainsi faite qu’elle se joue des miroirs – avec ou sans tain. S’offre des symétries. Impose des corollaires. Ainsi il en va des pères & fils de. Être papa n’est pas une sinécure. Assumer le devoir du fils qui pèse sur les épaules l’est tout autant.
Voilà donc Samuel pris dans les rets de la vérité au cours de sa fuite.
Se terrer dans le sous-sol d’un restaurant toulousain ne le protège en rien. Le téléphone passe aussi au moins-un. Et la sentence est sans appel. Son père est décédé. Une partie du monde s’écroule. Sa mère saute dans le premier avion. Les étincelles de graisse peignent des esquilles sur les restes d’une vie. Mais qui était donc ce père ? Figure de la psychiatrie parisienne. Voire internationale. Puis interné comme les autres…
Ne dit-on pas que les psys sont aussi fadas que leurs patients ?

Après avoir exercé mille petits métiers comme un certain Philippe Djian, Samuel Poisson-Quinton s’est emparé des Lettres. Bien lui en a pris. Car il possède une âme, ce qui est de plus en plus rare chez nos contemporains. Et pas seulement les plumitifs… ainsi nous offre-t-il un récit poétique en décalage. Une œuvre hors sentiers courus par les germanopratins qui pétille d’amour impossible. D’amour tu. Les sentiments trop forts ne fusillent-ils pas les relations familiales trop souvent ?

Avec pudeur, force détail et quelques photographies noir & blanc, Samuel Poisson-Quinton redonne du lustre à l’éclat terni d’une image impossible. Le père-idole, le père-héros, le père-aimant qui laissa son esprit lui jouer des tours. De ses canulars de soupe empoisonnée à ses envois d’objets insolites à tous ses amis ou sa retraite dans un hameau isolé… le père semblait avoir trouvé son univers. Un monde à lui pavé de bonnes intentions – avec pièges à loup tout autour de la propriété ? Mais les voisins ne l’entendirent pas de cette oreille. On n’aime pas que les gens soient différents. On juge. On appelle les gendarmes. Et on précipite l’inéluctable…
Ou alors c’est que nous n’avons pas compris la pirouette.

Annabelle Hautecontre

Samuel Poisson-Quinton, Un père à la plancha, L’arbalète/Gallimard, janvier 2019, 128 p. -, 14 €

Lire les premières pages

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.