« Juste » baiser, est-ce tromper ?

Est-ce que sucer c’est tromper ?
Question devenue vite incontournable chez Thierry Ardisson à la fin des années 1990. Suite de l’affaire Lewinsky. La stagiaire qui fit vaciller Bill Clinton entre 1998 et 99. Une enquête à 50 millions avec une procédure d’empêchement face à… 3 millions pour une enquête bâclée en un an pour le 11-Septembre. Les Américains ont donc répondu à la question : pour eux les affaires extra-conjugales sont de la plus haute importance (sic).

Mais en France quid des ritournelles des relations humaines ? Et de la vie conjugale. Peut-on envisager un petit coup de canif dans le contrat (social) passé après quelques années de vie commune ? Certains psys disent que c’est bénéfique, ça pimente un peu. D’autres disent tout le contraire.
Et une fois le cap franchi, la faute avouée ou cachée ?
Personne n’a de réponse. Ainsi la porte est-elle grande ouverte aux romanciers pour s’y engouffrer… Où les artistes.
Dernière en date, Solange qui nous dépeint dans une vidéo l’emploi d’un escort-boy.

Avec forces détails. Témoignages sonores à la clé. Solange qui est mariée dans la vraie vie. Mais elle tient à préciser que ceci est une fiction. Même si des bribes sont réelles. Mais lesquelles ? On s’en fiche.
La conclusion seule importe : elle n’a pas joui. Car pas d’amour.
Des heures à s’envoyer en l’air pour ne jamais décoller. Frustrant !
Mais exemple bien parlant… Le sexe peut être un dérivatif physique – voire plutôt un exutoire psychique, ou l’inverse ? – or il reste alors pas grand-chose quand il y manque l’essentiel.
L’amour.

 

 

Philippe Limon ne dit pas le contraire.
Quand son héros découvre, en rentrant d’un séjour en montagne, la culotte souillée de sa femme bien en évidence, il a deux choix. Se taire et oublier. Ou engager la conversation. Quitte à y passer la  nuit, il choisit la seconde option. Mais sans crier, sans violence, juste pour tenter de savoir à défaut de comprendre…
Habité par l’étude qu’il est en train d’écrire sur le film de Bergman, sa scène de la vie conjugale va rebondir entre les différentes parties du film suédois. Argument, excuse, comparatif, l’épouse volage usera de certaines poses. Tentant de dédramatiser un événement qui lui semble une simple parenthèse. Un jeu de rôle. Une opportunité face à un ancien amant retrouvé par hasard. Quand le mari cocu s’offusque de tant de légèreté face à une question autrement plus complexe : est-ce un caprice ou l’aveu d’un amour disparu ?

D’un seul tenant, écrit sans chapitre et tout en dialogue indirect, le roman aspire le lecteur. Plongée abyssale dans les soubresauts du quotidien. Des amours vaporeux qui se déplacent comme des nuages. Force de retenue contre désir soudain, colère face au cynisme ; entrelacs des personnages dans un menuet du tendre. Carte des émois impossible à tracer.
Chacun doit faire en contrepartie de sa moitié. Et de ce qu’il est capable de supporter. De pardonner…

Annabelle Hautecontre

Philippe Limon, Scène de la vie conjugale, Gallimard, coll. L’Infini, janvier 2019, 168 p. –, 15 €

Lire les premières pages

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.