Vers quel sein nous vouer, avec Marie-Claire Bancquart

Très vite, très tôt – et avec une certaine constance – depuis 1967, date de parution de son premier recueil, Mais, Marie-Claire Bancquart pose son regard perçant, sa plume piquante, sur les énigmes de notre vie, cette désespérance qui pourrait nous gagner si nous n’avions cette énergie capable de déplacer des montagnes. Mais, comme il y a toujours ce revirement, demeurent la difficulté d’être, de faire, la frontière difficilement franchissable, la différence, l’altérité, les distances… toutes ces choses qui minent l’existence et nous imposent de chercher un sanctuaire. Un lieu de vie où nous rapprocher de la terre, de l’essentiel, de ce qui pourrait donner un sens à tout ce capharnaüm…

Peut-on traverser toutes ces épreuves seul ? Manifestement Marie-Claire Bancquart ne le pense pas, le seul recours vital se trouvant en l’être aimé, malgré cette souffrance, ce poids qui brûle en elle, paradoxe d’une femme qui aime la vie mais pas vivre. Un sentiment à extraire probablement d’une enfance difficile car partagée avec la maladie, d’où ce désir très fort chez elle d’une vie autonome du corps, dont les circulations, battements, dérèglements inscrivent au plus intime de soi une altérité indépassable.
Partir, renaître, sortir du monde pour l’habiter différemment, exil en contrepoint du poème qui s’habite comme le synonyme d’un arrachement assumé et d’une réincarnation opportuniste dans un ailleurs convenable… Par la magie des mots poétiques, les choses s’alignent, telles les planètes favorables à ce que des instants d’absolue coïncidence s’offrent à porter un peu de baume sur les plaies.

Voisine

A la proximité du vent
nous dédions la part de notre fugue :
sang, pleurs,
fontaine des humeurs mal closes
dans cette grande chose en peau que nous promenons.

A la proximité d’une tendresse mystérieuse
nous dédions l’oiseau prêt à becqueter les rivières
qui se pose en nous
une seconde
chaque nuit.

Le bonheur peut circuler dans un os, un ongle.


Ce petit côté désabusé, décliné sous la forme goguenarde d’un on ne me la fait pas, rapproche Marie-Claire Bancquart de l’esprit mordant de la poésie parfois décapante de la Polonaise Ewa Lipska.
Mais cette légèreté ne doit pas occulter l’ombre de la mort qui plane, ce n’est pas ici une poésie du rien mais une quête d’apaisement, passé la révolte des premiers ouvrages. Si l’espace vital se rétrécit, la pensée, la mémoire, le poème sont là pour témoigner de la fragilité de chaque minute qui est première, de la musique qui est proche de ce tout en quête d’une réponse… œuvre à quatre mains avec Alain Bancquart, son compositeur de mari, pour quatuor à cordes :

Laissez-moi seule
avec l’oiseau
qui m’apporte
ce que vous savez.

 

François Xavier

Marie-Claire Bancquart, Terre énergumène et autres poèmes, préface d’Aude Préta-de Beaufort Poésie/Gallimard n°541, janvier 2019, 400 p. – 9 €

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