Cent ballades de Christine de Pizan

Christine de Pizan (1364 à Venise, 1430 à Poissy) écrit une langue ancienne que cette version bilingue donne à découvrir. Grande dame des Lettres de son vivant. Elle occupa une place majeure dans la vie intellectuelle et les débats de son époque. En effet, elle ne fut pas qu’une poétesse. Elle fit aussi autorité dans les domaines politiques, historiques et philosophiques. Femme écrivain à la volonté de fer. La voilà embarquée dans une aventure imposée. L’amour. Sujet qu’elle a par ailleurs déjà pratiqué par le passé… Et ses centres d’intérêt sont ailleurs. Mais on ne refuse pas une commande…

L’œuvre est classique. Elle repose sur deux personnages qui évoluent dans un schéma courtois. Un homme. Une dame. Nobles tous deux. Et contraints à accepter un troisième compagnon de jeu… Le mari (sic).
Une trame classique : l’amant se déclare, la dame se refuse, etc.
On comprendra donc que tout réside dans la manière de narrer l’intrigue… qui n’en est pas une. On devine la fin… c’est bien dans l’attente que tout se joue. Dans le désir dévolu aux jeux de passe-passe. Maintenir l’honneur. Maintenir l’amour. Se jouer des apparences. Menuet des sentiments. Garder le rythme…

Quoique je ne sois aimé
Et que je vous trouve si rétive,
Mon cœur vous est tellement attaché
Que je serai toujours vôtre,
Que ce soit sens ou folie,
Ma belle maîtresse.

Je prendrai dans cette servitude
Vie ou mort, joie ou détresse.

 

Le nombre de cent a ici son importance. La composition par le nombre était une marque de qualité dans l’Europe de cette époque. De Boccace à Gower, le chiffre détient une forme de magie. Et comme Christine de Pizan est joueuse, elle se sert du nombre d’une autre manière. Sur cent ballades, cinq sont des ballades dialoguées. Toutes se nouent autour du baiser, miroir de l’union.
D’une esthétique lyrique, cette poésie est aussi une forme de manifeste. Christine de Pizan contrainte d’écrire projette ses frustrations sur la dame contrainte d’aimer…

Ce texte est édité d’après le seul manuscrit conservé à ce jour. Celui de la British Library, à Londres. Il fut offert par la poète à Isabeau de Bavière au début de l’an 1414.

Annabelle Hautecontre

Christine de Pizan, Cent ballades d’amant et de dame, préface et traduction (édition bilingue) de Jacqueline Cerquiglini-Toulet Poésie/Gallimard n°440, janvier 2019, 336 p. -, 10 €

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