Hans Magnus Enzensberger : beaucoup de bruit pour rien

Auteur prolifique et dans tous les genres - romans, poèmes, essais, nouvelles, livres pour enfants, traduction - H M Enzensberger fut aussi éditeur (et le découvreur de W.G. Sebald) mais devient surtout un "phare" désormais palissant de son époque.
Il s'était toujours refusé à écrire des mémoires, journaux ou écrits intimes, sachant combien ces genres sont le lieu propre du mensonge sous couvert de vérité. Ses notes retrouvées dans sa cave et écrites dans les années 1960 n'évitent pas ce risque. Pas plus celui de l'insignifiance.

L'ensemble fait paradoxalement penser aux journaux de Simone de Beauvoir dans la mesure où il fait étal de ses rencontres fortuites ou non. Dont – et d'ailleurs – celle de la grande sartreuse et son compagnon. Mais apparaissent en "guest stars" William Golding, Ungaretti et les grands de l'Histoire dont Kroutchev lors de ses nombreux voyages en ex URSS avant qu'il se rende aux USA et à Cuba. Et rien ne nous est épargné.

Certes l'auteur dresse le parfait portrait d'une époque étroitement marquée. Et bien qu'il feigne de n'avoir jamais été au bon endroit au bon moment son tumulte tout prouve le contraire.
Le défilé se poursuit avec les rencontres de Neruda, Sihanouk, Leiris, Allende, Marcuse, Kissinger et nous en oublions  – forcément...

Nous sommes néanmoins loin d'un grand livre de mémoires. En dépit d'une certaine élégance désinvolte ce livre est un tue littérature !  N'est pas Rousseau qui veut. L'ensemble ressemble à  une fresque people qui devient commune voire communisante. L'ensemble reste purement anecdotique. L'auteur ne vit qu'au dépend de celui qui le lit tout en jouant la feinte de modestie. Bref beaucoup de bruit sinon pour rien, du moins pour pas grand chose.

Jean-Paul Gavard-Perret

Hans Magnus Enzensberger, Tumulte, trad. de l'allemand par Bernard Lortholary, coll. "Du monde entier", Gallimard, mai, 2019, 288 p., 22 €
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